lundi 5 décembre 2022

"Il a fallu que je lui explique l'effet de meute"

 "Non, je n'aime pas te lire ce genre d'histoires. Trouves d'autres livres". Quand j'entends Nora dire cela à sa fille, à la bibliothèque, je lui souris. Elle me dit en fronçant les sourcils : "c'est pas possible de lire ces histoires de princes charmants, ça me sort par les yeux. Cendrillon, la Belle au bois dormant, et gnagnagna et gnagnagna". Le ton qu'elle emploie me fait rire. On se connaît mal. Elle ne sait pas que je tiens ce blog, que ce sujet est important pour moi. Elle ne se doute pas que ça me fait du bien de l'entendre s'exprimer ainsi et tenter de proposer une autre vision du monde à sa fillette de quatre ans.

Quelques jours plus tôt déjà, lors d'une soirée, nous discutions entre femmes. Elle était là. Parmi nous, une jeune maman que l'on n'avait jamais vue. Un homme arrive avec une petite de deux ou trois ans accrochée à sa main. Il dit à cette petite : "tiens, regarde maman est là. Tu vois, il y en a plein des mamans ici, tu n'as pas besoin de me coller". J'ai dégluti discrètement. Nora m'a dit à l'oreille : "mais qu'est-ce que c'est que ce type ? Si mon mari m'avait fait un plan comme ça, je lui aurais arraché les yeux"

Lors de nos toutes premières rencontres, alors que nous marchions à plusieurs, j'avais déjà senti la conscience avisée de Nora. J'avais suggéré que nous prenions une autre direction, car il y avait "trop de présence masculine devant nous". Nora m'avait alors raconté une conversation qu'elle avait eue avec un de ses amis, un "militaire" avait-elle cru bon de préciser. Il ne voulait pas comprendre ce qu'elle lui disait. "Il ne me croit pas quand je lui dis que toutes les femmes ont tous leurs sens en éveil quand elles sont dans la rue. On sait toutes ce que ça veut dire de changer de trottoir, de regarder loin devant nous pour anticiper ce qui pourrait arriver, de repérer les endroits où on va pouvoir traverser la rue facilement. Il dit que j'exagère, il ne se rend absolument pas compte". Elle ajoute : "il a fallu que je lui explique l'effet de meute et ce que ça génère chez nous. Je lui dis qu'à plusieurs, les mecs sont sans filtre et humilient les femmes qu'ils convoitent sans même s'en rendre compte, juste pour faire les malins entre copains. Il me répond que j'en fais des tonnes. Il ne comprend pas. Ils ne comprennent pas. Ça m'énerve".

On se connaît mal encore Nora, mais je t'ai carrément à la bonne.

mardi 28 juin 2022

Du rire aux larmes

Coup de bambou.
Rush de fin d'année scolaire. Manque de sommeil. Spectacles en tous genres et au-revoirs qui déchirent. Ascenseur émotionnel. Aller chez le coiffeur sur un coup de tête. La coiffeuse qui demande si ça me convient. Ne pas oser lui répondre : "ouais, bof". Payer, ressortir du salon. Rentrer chez soi. L'avoir mauvaise car la coiffeuse a passé moins d'un quart d'heure sur mes cheveux, m'a fait un truc moyen, m'a délesté de quelques billets et je ne suis pas satisfaite. Se dire que plus jamais je n'irai chez le coiffeur en ces circonstances. Se réchauffer le cœur en pensant aux occasions qui restent à célébrer dans les jours qui viennent. Avoir en tête les visages souriant avec lesquels j'ai rendez-vous, être triste cependant que ce soit la dernière fois avant longtemps.

Une nouvelle vie m'attend qui ne signifie pas le dos tourné à ma vie d'aujourd'hui. Une nouvelle aventure qui n'effacera pas celle de ces dernières années. Un nouveau départ qui n'implique pas de fermer la porte sur le passé. Je suis riche de mes rencontres, de mes expériences, de mes moments de partage. Et j'emporte avec moi un lourd bagage de souvenirs et d'émotions. Je porterai et chérirai ce bagage, de même que j'aiderai mes enfants à conserver les leurs. Nous sommes tous le fruit de nos expériences et de nos histoires. Nous forgeons nos personnalités ainsi. Nous accueillerons avec enthousiasme ce qui nous attend là-bas, comme nous avons savouré ce qui nous a été proposé ici. 

 



lundi 27 juin 2022

Avortement : ne jamais préjuger de l'avenir

Comment se peut-il que la plus grande puissance mondiale devienne rétrograde ? Partant du constat que le droit à l'avortement , auquel les Américaines ont accès à partir de 1973 - soit il y a un demi-siècle - n'est pas un principe constitutionnel, la Cour suprême des États-Unis vient non pas d'interdire l'IVG, mais de renvoyer aux États la possibilité d'adopter leur propre législation en matière d'accès l'avortement. Les États conservateurs en rêvaient et on estime aujourd'hui que près de la moité des États vont interdire l'avortement.


Par mesure de précaution, des parlementaires de partis différents souhaitent, en France, inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Si d'aucuns se demandent pourquoi l'actualité outre-Atlantique devrait dicter les débats de la vie politique française, il me semble au contraire hautement symbolique, juste et de bon aloi d'asseoir la force de ce droit, aujourd'hui et maintenant, dans le texte de référence de notre pays. Il ne faut jamais préjuger de l'avenir et partit naïvement du principe que ce qui se passe de l'autre côté de l'océan ne pourrait pas nous atteindre. D'autant que restreindre le droit à l'avortement ne signifie pas restreindre le nombre d'avortements. Des femmes continueront d'avorter, partout, que ce soit légal ou pas. Ces IVG se feront alors dans des conditions dévastatrices.

En revenant sur un droit primordial, les États-Unis me font penser à la "république de Gilead", telle qu'imaginée par l'autrice Margaret Atwood dans "la Servante écarlate" : un pays dans lequel le corps des femmes n'importe que pour ses capacités reproductrices, un pays où les femmes sont systématiquement violées à cette seule fin, mettre au monde des enfants. La première puissance mondiale ne peut décemment pas sombrer dans une telle faillite morale.


Lire aussi :

mardi 21 juin 2022

"Que s'est-il passé pour que ma vie m'échappe ?"

Au travers de films amateurs et de journaux intimes de quelques femmes, un documentaire de Michèle Dominici diffusé sur Arte et visible sur Youtube raconte la vie des femmes au foyer, à partir de leur mariage après-guerre et pendant la trentaine d'années qui suit. L'histoire oubliée des femmes au foyer est un film touchant, plein de tendresse pour ces femmes au foyer. Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, les femmes ont été "invitées à retourner aux fourneaux pour laisser la place aux héros", de même qu'elles ont été "sommées de procréer pour la nation", rappelle la réalisatrice. Quel que soit leur milieu social d'origine, leur niveau d'éducation, elles ont été bien nombreuses à se retrouver ainsi à la maison. Non qu'on les aurait empêchées d'avoir un emploi salarié si elles le souhaitaient mais ce n'était pas vraiment dans l'air du temps. Elles ont suivi le mouvement.

"Aux hommes, la conquête du monde. Aux femmes, la conquête d'un homme. Lui n'a pas besoin d'elle pour se considérer comme un être accompli. Elle sait que sans mari, elle sera jugée incompétente, imparfaite", commente encore Michèle Dominici, qui rappelle aussi que l'idée de femme au foyer ne remonte qu'au 19è siècle, lorsque les hommes qui le pouvaient affichaient leur richesse en se payant le luxe d'avoir leur femme toute dévouée à la maison. 

Mais ces femmes au foyer étaient-elles heureuses de leur sort ? Celles dont il est question dans le documentaire de Arte sont des femmes éduquées. Cela s'entend aux textes qui sont lus et qui proviennent de leurs journaux intimes. Elles décrivent un quotidien sans enthousiasme, elles disent ne pas avoir de temps, se sentir seules. "Que s'est-il passé pour que ma vie m'échappe ?" écrit l'une d'entre elles. Et la voix off de commenter : "aucun barreau ne clôture la maison d'une femme au foyer, aucune serrure ne la tient enfermée. Ce sont les heures qui s'en chargent".

L'histoire oubliée des femmes au foyer - copie d'écran
 

Les heures, et cette répartition des rôles au sein du foyer ainsi décrite par l'une des femmes : "avec lui les bandes dessinées, les jeux dans le jardin, les couches propres. Pour moi, les couches sales, les tables de multiplication et les verbes irréguliers". Lassitude, solitude, et ce sentiment de n'exister qu'au travers de l'époux et des enfants. Elles n'avaient pas vu venir ces réalités, elles s'étaient enthousiasmées pour cette union amoureuse dont elles avaient rêvé, elles se sont laissées happer par cette vie qu'elles jugent après coup monotone. "Nos époques nous commandent bien plus que nous nous piquons de le croire", écrit l'une d'entre elles dans une lettre envoyée à sa fille, laquelle a choisi un tout autre destin - archéologue. Cette phrase, qui arrive en toute fin du documentaire, n'est pas anodine. Elle dit bien que cette génération de femmes a subi cette existence de femmes au foyer. Ce n'était pas une règle à proprement parler, mais c'était dans l'air du temps, ça allait avec l'époque.

Cependant, je ne peux pas croire non plus qu'aucune femme de cette génération n'ait apprécié cette existence. Toutes n'ont pas pu subir. Si un reproche devait donc être fait à Michèle Dominici, ce serait celui-là : ne pas avoir donné la parole à des femmes qui ont aimé cette vie-là.  Enfin, cette époque est révolue, elle a pris fin avec les évènements de 68 et post-68, quand collectivement, la société entière a pu prendre la mesure de ce que voulaient les femmes. Les chocs pétroliers des années 70 et les crises économiques qui se sont succédées ensuite ont renvoyé en masse les femmes dans le monde du travail salarié. Les femmes au foyer d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec celles d'hier, ni par leur nombre, ni par les conditions dans lesquelles elles en sont arrivées à être femmes au foyer. Il n'en demeure pas moins que ce regard de Michèle Dominici sur ces femmes fait de ce documentaire un film à voir absolument.

Lire aussi :

jeudi 16 juin 2022

Où il est question d'autruche, de cheval et de politique

Avez-vous déjà eu affaire à la justice ?
Quel est le pourcentage, en population générale, de citoyens qui passent par la case tribunal ? 
Je me pose ces questions car, voyez-vous, de ma fenêtre, les histoires qui entourent le ministre Damien Abad constituent la goutte qui fait déborder le vase. Ces dernières années, combien de ministres ont été visés par des accusations de violences sexuelles ? Je n'ose pas faire le compte...

A chaque fois, le ministre incriminé est resté en poste. A chaque fois, on nous a servi le même discours : il est présumé innocent. Et, partant, président de la République et Premier ministre engageaient leur parole, réitérant la confiance qu'ils avaient en ce ministre. Avec leurs mots, ils nous expliquent que tant qu'il n'est pas jugé coupable, alors on ne met pas sa parole en doute.

Je ne sais pas vous, mais dans mon entourage - et je mesure la chance que j'ai - aucun homme, à ma connaissance, n'est accusé de violences sexuelles, ni même de harcèlement. Je n'ignore évidemment pas que bon nombre de femmes connaissent des situations toutes différentes de la mienne mais je ne peux pas croire qu'elles ont autant d'hommes violents dans leur entourage qu'il y en a eu ces dernières années au gouvernement.

Crédit photo : Libération du 26 novembre 2021
 

Je ne feins pas non plus d'ignorer que l'accès au pouvoir donne à ces messieurs l'illusion que rien ne saurait leur être refusé. Mais tout de même, comment est-il possible, statistiquement, qu'il y ait autant d'hommes accusés de violences sexuelles qui soient choisis pour être ministre, placés sous les ors de la République... et dit autrement, payés avec nos impôts ! Sommes-nous collectivement des autruches pour tolérer cela ? Et quand Laura, cette lycéenne qui a osé interpeller Emmanuel Macron la semaine passée, avec ces mots : "Vous mettez à la tête de l’État des hommes accusés de viols et de violences sur les femmes. Pourquoi ?" , il se trouve toujours des gens pour la tacler sur le mode : passe ton bac d'abord. 

En acceptant tacitement que de tels hommes soient nos ministres, nous banalisons au fond les violences qui sont faites aux femmes, comme si c'était sans importance. Et de ce fait, nous rendons encore plus compliquée la prise de parole des victimes. A quoi bon parler si cela ne sert à rien et si le gouvernement fait bloc autour du ministre accusé ? A quoi bon parler si c'est pour être roulée dans la boue parce que l'homme visé bénéficie d'un réseau social important ? 

Les trois femmes qui accusent Damien Abad ne se connaissent pas. Elles ont témoigné sous couvert d'anonymat auprès de Mediapart. L'entourage de ces personnes, au courant de leurs histoires, ont également témoigné. Michael Hajdenberg, journaliste à Mediapart, écrit (ici ): "La probabilité qu’une femme délire, invente sans mobile apparent, mente à ses proches, à son médecin, à ses parents, à son conjoint, et ce pendant des années, est faible mais elle existe. La probabilité que trois d’entre elles, qui ne se connaissent pas, aient déliré ou menti à propos du même homme parallèlement et pendant tant d’années, est encore plus réduite. Infinitésimale. Mais elle existe. Il ne s’agit nullement d’envoyer Damien Abad en prison sur la foi de ces témoignages parus dans la presse. Il s’agit d’éthique, de précaution, de dignité, de responsabilité." Il ajoute : "Damien Abad a bien sûr le droit de se défendre. Mais le choix de le laisser ministre, au nom de la présomption d’innocence est, lui, indéfendable." On ne saurait mieux dire. Et je réitère : comment est-il possible que statistiquement, autant d'hommes de gouvernement soient mis en cause par des femmes ? Ne trouve-t-on pas de personnalités brillantes et capables d'être placées à la tête d'un ministère parmi les politiques non-violents ? C'est quand même fou cette capacité à miser sur les mauvais chevaux continuellement, non ?

Lire aussi :

mardi 14 juin 2022

L'outrance du verbe

Regardez-les, écoutez-les tous qui, depuis 48h, s'accusent de tous les maux, vitupèrent et s'invectivent, s'insultent et se coupent la parole. La politique devrait être l'art du savoir-vivre ensemble, puisque le terme vient du grec "polis" qui a trait à la cité.

Je me souviens de débats politiques sur les idées quant à ce vivre ensemble, lorsque j'étais enfant. Je me souviens d'hommes et de femmes politiques qui ne mâchaient pas leurs mots, mais qui y mettaient les formes et le faisaient calmement et dans le respect de leurs opposants politiques. Que donnent à voir les politiciens d'aujourd'hui à nos enfants ? Si ce n'est de l'insulte, de l'injure, du mépris, de la morgue, le tout habillé dans un vocabulaire pauvre, de la colère, de la violence, quand ce n'est pas de la haine ? Que sont les idées devenues ? Comment apaiser la société quand ceux qui cherchent à en être les représentants se comportent ainsi, avec autant de médiocrité et des postures de donneurs de leçons ? Comment s'étonner que des millions de gens boudent les bureaux de vote quand on leur donne à voir ces spectacles si affligeants ?

Comment élever nos enfants dans l'idée que le respect et la bienveillance sont essentiels quand on leur donne à voir un tel spectacle misérable en continu ? Comment ne pas constater notre faillite collective ?


Lire aussi :


jeudi 9 juin 2022

Réapprendre à dire non

Ces gens qui ne savent pas dire non... Je ne suis pas loin de penser que ce sont eux qui m'agacent le plus. Ils ne disent pas non, mais ils ne disent pas vraiment oui, ils trouvent un subterfuge pour vous faire croire que peut-être, ça pourrait être possible, on doit pouvoir s'arranger. Ils vous laissent entendre qu'il y a une possibilité mais jouent la montre, font traîner les choses et alors que vous comptiez sur eux, ils vous claquent dans les doigts et vous vous retrouvez dans la panade. Ils minaudent, vous disent que "ce doit être possible"... 

En l'espace d'une semaine, autour de moi, j'ai au moins deux exemples du genre. Deux personnes infichues de dire : "non, je préfère ne pas m'engager", deux personnes qui s'appuient sur des probabilités pour vous laisser entrevoir des solutions et qui, en bout de course, vous mettent dans des situations compliquées. Si ces personnes vous avaient dit non dès le début, vous n'en seriez pas là. Vous ne seriez pas contraint de trouver dans l'urgence une solution, forcément bancale, à ce sujet pour lequel vous aviez sollicité un coup de main qui, au final, ne viendra pas.

 

Ne pas oser dire non, dans la vie de tous les jours, c'est s'embarquer dans des situations rocambolesques ou plus exactement, embarquer celui ou celle qui vous a sollicité dans une situation rocambolesque. Ne pas oser dire non, c'est au final, passer pour la personne en qui on ne peut pas avoir confiance puisqu'en bout de course, on ne pourra pas compter sur vous. Pourtant, dire non, ce n'est pas fermer la porte, c'est juste être honnête, jouer franc jeu. Quel mal y a-t-il à cela ? Pourquoi ne pas commencer par dire non puis, si finalement on se sent en capacité d'accéder à la requête de l'autre, revenir vers lui et lui dire que finalement, ok, on a trouvé une solution ? Ne pas s'engager du tout plutôt que s'engager à moitié ou sans en avoir envie semble hautement préférable. La règle devrait être de ne pas s'engager à demi-mots juste parce qu'on n'aurait pas envie de décevoir et que donc, on n'oserait pas dire non. Un non de précaution vaudra toujours plus qu'un oui du bout des lèvres.

jeudi 2 juin 2022

Coupable d'avoir parlé

Faut-il ou ne faut-il pas parler de l'affaire Amber Heard /Johnny Depp ? That is the question.
Très clairement, je n'ai pas d'avis sur le fond de l'affaire. Je n'ai pas vraiment suivi les allégations et accusations des deux parties. Depuis le début, tout cette histoire me dérange. Sans doute parce que c'est Johnny Depp, je ne le nie pas. "21 Jump street" fait partie de mes références culturelles adolescentes. Je l'ai trouvé génial dans tout un tas de films. Alors forcément, je ne suis pas objective. Mais je le répète : on ne sépare pas l'homme de l'artiste. 
 
Quoi qu'il en soit, je ne sais pas grand-chose de cette histoire alors j'ai du mal à me faire une opinion. Parfois, on a des avis tranchés sur certains sujets. Parfois non. Et là, pour moi, c'est non. Note en passant : ce serait un monde chouette si les politiques et les éditorialistes s'abstenaient de prendre position sur les sujets qu'ils ne maîtrisent pas, eux aussi. Mais je m'égare.

Donc, Heard/Depp, je ne sais pas quoi penser sur le fond. En revanche, sur les conséquences de l'affaire et plus précisément sur les prises de position de gens - anonymes ou non - qui eux ont une opinion tranchée, qu'ils aient tout suivi depuis le début ou non, j'observe la déflagration folle de cette histoire. Les femmes qui prennent la défense de Amber Heard se font insulter. Elles seraient misandres, ne respecteraient pas la justice, j'en passe et des meilleures. Celleux qui prennent le parti de Johnny Depp seraient nécessairement misogynes et se poseraient en défenseurs des violences sexuelles et sexistes. Quoi qu'il en soit, il importerait plus que tout de choisir son camp, il faudrait prendre parti. Impossible de dire "je ne sais pas", un peu comme au temps de la querelle musicale Oasis/Blur... On ne peut pas rester en retrait, on a forcément un avis.

L'annonce du verdict hier soir - Amber Heard doit verser 10 millions de dollars à Johnny Depp  tandis que celui-ci doit une somme de 2 millions de dollars à son ex-compagne - a engendré une déferlante de réactions, les différents camps réaffirmant leur position sur le sujet. Rares sont ceux cependant qui ont la bonne lecture du verdict : l'affaire qui a été jugée - et dont le verdict devrait vraisemblablement faire l'objet d'un appel de la part de Amber Heard -  n'est pas celle des violences conjugales. Le procès ne traitait pas de cela. Ce procès est celui de la diffamation, ce qui au fond n'a rien à voir. Il ne s'agissait pas de prouver si oui ou non Johnny Depp frappait sa compagne mais de prouver que Amber Heard, en racontant cela dans les colonnes des journaux, avait souhaité nuire ou non à son compagnon. Et clairement, le jury considère qu'elle a souhaité lui nuire, et il la punit pour cela. Ce procès, c'est celui de la liberté de parole des femmes, pas celui des violences qu'elles subissent. En d'autres termes, ce verdict ne dit pas que Johnny Depp n'est pas un homme violent, l'acteur n'est pas lavé de tout soupçon. Le verdict de ce procès établit que Amber Heard aurait du se taire, ou s'y prendre différemment... Elle est devenue coupable d'avoir parlé.


Lire aussi :