mardi 30 mars 2021

Vivre ensemble : stop au manichéisme

Est-ce qu'on est obligé d'avoir un avis sur tout ? Je ne crois pas. Je ne sais pas vous mais ces derniers jours, je suis assez gênée par cette polémique autour de l'Unef. Sur ce sujet comme sur tant d'autres, dans la période que nous traversons, j'observe que ce qui pourrait être débattu sereinement se transforme inévitablement en passe d'armes. On reproche au syndicat étudiant Unef d'avoir organisé des réunions non-mixtes pour parler racisme. Entendez, des réunions où seuls des étudiants de couleur pouvaient participer. Je ne sais pas trop quoi penser de ce sujet. Mais je trouve indignes les réactions à l'emporte-pièce qui fleurissent partout. L'époque est à la polémique constante. Comme si c'était ainsi que l'on faisait avancer intelligemment une société. Ne peut-on échanger ses idées autrement qu'en s'aboyant dessus les uns les autres ? Les médias ont évidemment une responsabilité écrasante qui ne donnent la parole qu'à ceux qui feront le buzz. C'est bien pour cela que l'on voit des Zemmour ou des Hanouna continuellement aux heures de grande écoute. Quelle place pour l'intelligence, la finesse des propos, la nuance ? Comment dépasser la caricature qui, pour le coup, enferme les esprits dans une vision manichéenne du vivre ensemble ?


A propos de l'Unef, on retiendra des contre-exemples qui permettent d'élargir les horizons. Ainsi le journaliste Marc Fauvelle qui, sur France Info, faisait remarquer à Christian Jacob qu'après tout, le Club de l'Automobile interdit bien les femmes à ses réunions. Le médecin Dominique Dupagne rapporte qu'il anime depuis 20 ans des réunions d'alcooliques dans lesquelles les non-alcooliques sont absents. De la même manière, Laure Adler raconte les débuts du Mouvement de libération des femmes (MLF), "né sur le principe que quand on se retrouvait entre femmes uniquement, quelque chose allait se produire (...). Une autre parole surgissait. On ne parlait pas du tout de la même manière". Pour elle, "c'est un outil de libération" que de se retrouver, quand on subit une discrimination, dans des groupes de paroles non mixtes. De fait, comment la place des femmes aurait-elle évolué dans la société sans des associations du type MLF qui leur permettait d'échanger, de partager leurs idées et favorisait l'émulation et l'émergence de nouvelles idées ? Comment, aujourd'hui encore, les femmes victimes de violences pourraient-elles prendre la parole, exprimer leurs souffrances et leurs combats, si ce n'était au sein de structures dans lesquelles les hommes ne sont pas ? 

Il ne s'agit pas de favoriser l'entre-soi ou de prôner un modèle de société qui favoriserait le classement des individus dans des cases, il s'agit de permettre à des personnes d'accéder à des groupes de parole, de s'exprimer, de leur apporter des réponses et de les aider. Si nous vivions dans un monde exempt de racisme, de sexisme et de violences de toutes sortes, nul doute que ces groupes de parole seraient sans intérêt. Mais comment imaginer un seul instant que nous vivons dans ce monde-là ? Faut-il porter des œillères et faire la sourde oreille pour considérer cela ?

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