vendredi 26 mars 2021

Emprunter les chemins de traverse

Hier, à la radio, j'entendais un artiste raconter qu'il avait fait médecine parce que, quand il était au lycée, "on (lui) avait demandé de choisir un travail". Sa trajectoire professionnelle était donc tracée : X années d'études de médecine, avec toutes les difficultés que l'on sait, une vie passée à sauver des vies, il serait utile à la société, ferait la fierté de ses proches, rassurerait son banquier. C'était pas mal comme plan. Mais en cours de route, il a vrillé. Il s'est mis à la musique, à l'écriture et il a quitté l'hôpital. Son entourage n'a sans doute pas compris, son banquier a du commencer à s'inquiéter...

 

Regardés froidement, les parcours de vie de ce type questionnent toujours : comment peut-on, après avoir fait des études, ne pas faire les efforts pour avoir la carrière professionnelle qui en découle ? Pourquoi avoir travaillé pendant des années pour ne pas ensuite chercher à récolter le fruit de ses efforts ? Autant on loue généralement ceux qui, par le biais de la validation des acquis de l'expérience (VAE) et/ou la formation continue s'élèvent dans les hiérarchies des entreprises, autant on ne comprend toujours pas ceux qui font le choix inverse. On considère qu'ils reculent. Parce que, toujours, la réussite professionnelle n'est envisagée qu'à l'aune des revenus qui en découlent et non de l'épanouissement ressenti. Il n'y a qu'à voir les reportages dans les médias, sur le mode "ils ont changé de vie", qui s'étonnent continuellement que l'on puisse faire le choix de renoncer à une existence riche financièrement pour  aller vivre plus chichement mais selon des valeurs qui nous sont apparaissent plus importantes. Collectivement, nous cherchons toujours à concevoir l'existence comme un parcours vers la richesse. "Si à 50 ans, tu n'as pas de Rolex, tu as raté ta vie", disait Jacques Séguéla il y a quelques années. Beaucoup se sont alors moqué mais au fond, cela en disait long sur cette injonction à gagner toujours plus d'argent. Un processus qui débute très tôt dans la vie, avec cette idée mise dans le crâne des enfants : "si tu ne travailles pas bien à l'école, tu ne gagneras pas bien ta vie". L'argent, la réussite sociale, ce Graal de tous temps. Amasser toujours plus, plus d'argent, plus de biens, plus, plus, plus.

Notre philosophie collective devrait plutôt être de dire qu'il est utile de "bien travailler à l'école" pour que s'ouvrent toutes les portes. En décembre 2019, Fanny Ardant disait (sur France Info, ndlr): "J'ai fait mes études comme un passeport pour la liberté". Étudier, c'est s'autoriser un vaste champs des possibles, c'est se créer des opportunités. Cela ne doit pas être se tracer un chemin mais esquisser des chemins. Au fond, les parcours qui enferment devraient nous rebuter. Les voies toutes tracées, les destins qui s'imposent devraient nous faire fuir, non ?

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