jeudi 16 juin 2022

Où il est question d'autruche, de cheval et de politique

Avez-vous déjà eu affaire à la justice ?
Quel est le pourcentage, en population générale, de citoyens qui passent par la case tribunal ? 
Je me pose ces questions car, voyez-vous, de ma fenêtre, les histoires qui entourent le ministre Damien Abad constituent la goutte qui fait déborder le vase. Ces dernières années, combien de ministres ont été visés par des accusations de violences sexuelles ? Je n'ose pas faire le compte...

A chaque fois, le ministre incriminé est resté en poste. A chaque fois, on nous a servi le même discours : il est présumé innocent. Et, partant, président de la République et Premier ministre engageaient leur parole, réitérant la confiance qu'ils avaient en ce ministre. Avec leurs mots, ils nous expliquent que tant qu'il n'est pas jugé coupable, alors on ne met pas sa parole en doute.

Je ne sais pas vous, mais dans mon entourage - et je mesure la chance que j'ai - aucun homme, à ma connaissance, n'est accusé de violences sexuelles, ni même de harcèlement. Je n'ignore évidemment pas que bon nombre de femmes connaissent des situations toutes différentes de la mienne mais je ne peux pas croire qu'elles ont autant d'hommes violents dans leur entourage qu'il y en a eu ces dernières années au gouvernement.

Crédit photo : Libération du 26 novembre 2021
 

Je ne feins pas non plus d'ignorer que l'accès au pouvoir donne à ces messieurs l'illusion que rien ne saurait leur être refusé. Mais tout de même, comment est-il possible, statistiquement, qu'il y ait autant d'hommes accusés de violences sexuelles qui soient choisis pour être ministre, placés sous les ors de la République... et dit autrement, payés avec nos impôts ! Sommes-nous collectivement des autruches pour tolérer cela ? Et quand Laura, cette lycéenne qui a osé interpeller Emmanuel Macron la semaine passée, avec ces mots : "Vous mettez à la tête de l’État des hommes accusés de viols et de violences sur les femmes. Pourquoi ?" , il se trouve toujours des gens pour la tacler sur le mode : passe ton bac d'abord. 

En acceptant tacitement que de tels hommes soient nos ministres, nous banalisons au fond les violences qui sont faites aux femmes, comme si c'était sans importance. Et de ce fait, nous rendons encore plus compliquée la prise de parole des victimes. A quoi bon parler si cela ne sert à rien et si le gouvernement fait bloc autour du ministre accusé ? A quoi bon parler si c'est pour être roulée dans la boue parce que l'homme visé bénéficie d'un réseau social important ? 

Les trois femmes qui accusent Damien Abad ne se connaissent pas. Elles ont témoigné sous couvert d'anonymat auprès de Mediapart. L'entourage de ces personnes, au courant de leurs histoires, ont également témoigné. Michael Hajdenberg, journaliste à Mediapart, écrit (ici ): "La probabilité qu’une femme délire, invente sans mobile apparent, mente à ses proches, à son médecin, à ses parents, à son conjoint, et ce pendant des années, est faible mais elle existe. La probabilité que trois d’entre elles, qui ne se connaissent pas, aient déliré ou menti à propos du même homme parallèlement et pendant tant d’années, est encore plus réduite. Infinitésimale. Mais elle existe. Il ne s’agit nullement d’envoyer Damien Abad en prison sur la foi de ces témoignages parus dans la presse. Il s’agit d’éthique, de précaution, de dignité, de responsabilité." Il ajoute : "Damien Abad a bien sûr le droit de se défendre. Mais le choix de le laisser ministre, au nom de la présomption d’innocence est, lui, indéfendable." On ne saurait mieux dire. Et je réitère : comment est-il possible que statistiquement, autant d'hommes de gouvernement soient mis en cause par des femmes ? Ne trouve-t-on pas de personnalités brillantes et capables d'être placées à la tête d'un ministère parmi les politiques non-violents ? C'est quand même fou cette capacité à miser sur les mauvais chevaux continuellement, non ?

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