mardi 5 avril 2022

Dans une démocratie digne de ce nom, on débat. Et pas seulement tous les cinq ans.

Au cas où cela vous aurait échappé, ce dimanche, ce sera le premier tour de l'élection présidentielle. On pourrait se dire que ce n'est pas le propos de ce blog que de parler de politique au sens large. De ma fenêtre, il y a un lien évident qui touche à notre regard sur la société dans laquelle on évolue et au rôle que l'on entend y jouer. Je m'explique. Nous avons douze candidat.e.s à cette élection, douze personnalités plus ou moins connues qui proposent chacune leur vision du monde. Pourtant, depuis un an, il n'y en a que quatre ou cinq qui parviennent à faire parler d'eux, quatre ou cinq qui ont vu se dérouler un tapis rouge dans tous les medias, toutes les grandes villes de France et de Navarre pour s'emballer sur un sujet ou un autre, pour s'écharper les uns les autres. J'ajoute à cela que les medias d'information continue - chaînes de télé et certaines stations de radio - ne font depuis quelques années que permettre à des orateurs, des directeurs d'instituts de sondage et des éditorialistes de "débattre" sur des sujets à forte valeur en termes d'audimat : c'est moins coûteux que d'envoyer des équipes de journalistes en reportage et c'est plus rémunérateur.


Et puis, à quelques jours du scrutin, tout ce petit monde feint de s'émouvoir à propos de l'arrivée annoncée d'un candidat extrémiste au second tour et d'un fort pourcentage d'abstentionnisme pressenti. Selon eux, les Français se désintéresseraient de la politique. Pardon ? Mais non ! C'est quoi la politique ? Est-ce que ça se limite à l'âge de départ en retraite, la hausse ou la baisse des impôts et le niveau d'immigration ? Depuis qu'a commencé cette campagne électorale, ce sont les seuls sujets qu'on nous ressasse continuellement. Quid de la rénovation du parc hospitalier ? Quid de la juste reconnaissance des carrières difficiles ? Quid de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ? Quid de l'Education nationale ? Quid de l'aménagement du territoire en matière de : transports, agriculture, commerces,  artisanat, densité médicale, services publics ? Quid de l'écologie ? Quid de l'alimentation ? De la culture ?

A cinq jours du premier tour, je n'ai pas reçu les professions de foi des candidats. Si je ne m'intéressais pas à la politique, à ce stade, je peux dire que rien n'a été fait pour me permettre de déterminer à qui je vais accorder ma voix. Les candidats eux-mêmes n'ont globalement pas fait le job : depuis 5 ans, depuis la dernière élection présidentielle, ils n'ont pas suscité ou alimenté les débats. Les medias de grande écoute, dans leur course éperdue à l'audimat, ne font jamais leur mea culpa. On entend des journalistes s'étonner ou déplorer le désintérêt des Français pour le sujet. Et pour cause : ils passent leur temps à commenter un deuxième tour supposé en tirant un trait sur un grand nombre de candidats. Il y a quelques jours,  Jean Lassalle évoquait l'hypothèse de se retirer, montrant du doigt le mépris dont il est l'objet par les medias. On pensera ce qu'on voudra de cet homme mais il avait raison. Dans une démocratie digne de ce nom, on écoute les autres, même s'ils ne partagent pas vos opinions. Dans une démocratie digne de ce nom, on n'écrase pas les plus faibles. Dans une démocratie digne de ce nom, on débat. Et pas seulement tous les cinq ans. On débat en continu. C'est ainsi que l'on fait société.

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