jeudi 7 avril 2022

Les indices qui devraient nous questionner

On ne le dira jamais assez : la vigilance, l'attention aux autres, l'empathie et l'écoute sont à la base de toutes les relations saines et profitables à chacun. Ce matin, occupée à faire le tri dans mes archives personnelles, j'ai mesuré combien j'aurais pu défaillir sans que personne ne bronche. Je suis tombée par hasard sur mon dossier scolaire, mes bulletins et les appréciations de mes enseignants qui, année après année, montrent combien des choses étaient perçues deci delà me concernant. Mais personne, au fond, n'a cherché à corriger quoi que ce soit. A la fin de l'école primaire et alors que par les hasards de la vie, j'avais un an d'avance, il avait été noté dans mon dossier de passage au collège que j'étais très réservée et manquais de maturité. Bon.

Puis, année après année, il se trouvait toujours au moins trois enseignants chaque année pour relever à chacun de mes bulletins trimestriels que si je faisais preuve de sérieux, je manquais de méthode, je défaillais lorsqu'il me fallait argumenter. En fouillant mes souvenirs, jamais il ne m'a été proposé de soutien ou quoi que ce soit pour corriger ma façon de travailler. J'étais scolaire, je travaillais, si bien que je parvenais généralement à la moyenne. En appuyant mes efforts, je pouvais avoir des notes honorables mais on soulignait toujours mes difficultés à approfondir mes réflexions. Avec le recul, je suppose que mon manque de maturité et mon année d'avance, pas justifiée intellectuellement, pouvaient sans peine expliquer mes difficultés. Mais aucun enseignant n'a essayé de me tirer de cette situation peu confortable. Arrivée au lycée, les choses, nécessairement, ont empiré. Les enseignants de français, d'histoire, d'économie, puis de philosophie notaient généralement dans mon bulletin que si je travaillais, si je connaissais mes leçons, je me contredisais systématiquement dans mes écrits. Manifestement, je caricaturais à l'envi les thèses et antithèses. Bon an mal mal an, je suis toujours parvenue à sortir la tête de l'eau. Je n'ai jamais redoublé, j'ai eu mon bac au ras des pâquerettes et je suis parvenue à suivre des études supérieures plutôt sérieuses.

 

Néanmoins, en relisant ces bulletins mis les uns à la suite des autres, il me semble évident que tout était écrit. Ces enseignants ont tous vu que j'avais un souci. Ils ont tous été capables de le sentir. Mais aucun n'a été en mesure de me proposer quoi que ce soit pour que les choses soient plus faciles par la suite, aucun n'a levé le petit doigt. Certes, je n'étais pas en péril. J'avais eu des institutrices géniales qui m'avaient permis d'attaquer le secondaire avec des bases solides et une bonne discipline de travail. En faisant mes devoirs systématiquement et en apprenant mes leçons régulièrement, je parvenais donc à m'en tirer. Je n'inquiétais semble-t-il pas les professeurs. Mais ils relevaient tous mes défaillances. Pendant sept ans (collège + lycée), chacun de mes bulletins comporte les mêmes signes. Que se serait-il passé si j'avais lâché l'éponge, épuisée de mes efforts inutiles ?

Il va sans dire que je n'en veux pas à ces enseignants dont je sais bien qu'ils faisaient ce qu'ils pouvaient et dont, globalement, je garde plutôt un bon souvenir. Mais ces considérations, que l'on pourra trouver anecdotiques, sont au fond assez caractéristiques de nos vies : en tous lieux et toutes circonstances, on a généralement des signes sous les yeux, des indices qui devraient nous questionner. Mais nous n'avons pas le temps, ou nous ne souhaitons pas prendre le temps, de chercher à comprendre ce qui se cache derrière ces signes. Nous pouvons tout aussi bien préférer porter des oeillères, jouer le rôle de celui qui n'a rien vu. Nous manquons d'attention, empétrés que nous sommes dans nos courses quotidiennes. Je reste convaincue qu'en allant moins vite, en ayant les yeux mieux ouverts, moins nombreux seraient ceux laissés au bord du chemin.

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