mardi 20 novembre 2018

Injonctions de la société : point de cheveux blancs, tu n'auras...

Pourquoi est-ce que la femme vieillit alors que l'homme gagne en expérience ? La symbolique de la chevelure est étonnante. Autour de moi, de très nombreuses femmes se teignent les cheveux. Ou plus exactement : rares sont celles qui ne le font pas. Pas question de montrer leurs cheveux blancs.

Je me souviens quand, à l'Université, alors que nous avions à peine vingt ans, mon amie Stéphanie et moi avions discuté de nos premiers cheveux blancs. J'en avais déjà quelques-uns et elle aussi. Stéphanie avait les cheveux noir corbeau, vraiment très sombres. Ses premiers cheveux blancs se voyaient comme le nez au milieu de la figure. Pourtant, elle assumait complètement. Elle me disait : "C'est le signe de la sagesse, de l'expérience". Plus frivole qu'elle, j'y voyais une sorte de début de la fin, un truc ni glamour, ni de bon augure. J'ai donc très vite eu recours à la cosmétique, ce que Stéphanie ne fit jamais. Vingt ans plus tard, j'ai eu l'occasion de constater qu'elle n'avait pas changé de philosophie et arborait fièrement ses cheveux "poivre et sel".

Meryl Streep dans Le Diable s'habille en Prada

De mon côté, j'ai eu des périodes avec et des périodes sans. Lasse de m'infliger des produits chimiques sur la tête, j'ai parfois décidé d'arrêter... jusqu'à ce que l'on me dise que je vivrai bien assez longtemps pour avoir l'occasion d'assumer mes cheveux blancs et que je pouvais donc encore recourir aux subterfuges de la cosmétique quelques dizaines d'années. Je finissais donc immanquablement par revenir dans le rang, répondant à ce diktat qui impose aux femmes de chercher à paraître jeunes le plus longtemps possible.

Dans "Sorcières - La puissance invaincue des femmes", la journaliste Mona Chollet écrit : "Pour tenter de s'épargner le triste sort de la compagne délaissée et humiliée, et plus largement l'opprobre lié à l'âge, les femmes qui en ont les moyens s'acharnent à maintenir leur apparence aussi inchangée que possible. Elles relèvent ce défi absurde : prétendre que le temps ne passe pas, et donc ressembler à ce que notre société considère comme la seule forme acceptable pour une femme de plus de trente ans : une jeune fille embaumée vivante".

Mona Chollet

Mona Chollet, à peine plus âgée que moi,  assume ses cheveux blancs depuis leur apparition. Pour avoir suivi son travail ces dernières années, j'ai aussi pu voir l'effet du temps sur elle et rien ne semble plus évident : elle assume la patine du temps sur son apparence. Sans en faire un étendard pour autant. Ce qui n'est vraisemblablement pas sans lien avec ce qu'elle pense et écrit : "ce qui semble rédhibitoire dans l'âge d'une femme, c'est l'expérience (...). Voilà sans doute l'une des raisons pour lesquelles les cheveux blancs sont bien acceptés chez les hommes et mal vus chez les femmes : parce que l'expérience qu'ils dénotent est jugée séduisante et rassurante chez les premiers, et menaçante chez les secondes".  Dans les films, les femmes méchantes n'arborent-elles pas des cheveux blancs ?


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