mardi 16 mai 2017

"Quand t'es une fille, t'as jamais gagné"

"La société dans laquelle on a grandi a fait en sorte que l'on se sente, nous nanas, plus légitimes à parler mascara qu'à parler politique". Dans un documentaire diffusé il y a quelques semaines sur internet et réalisé par deux françaises - Léa Bordier et Lisa Miquet -, la youtubeuse Klaire plaide pour un changement en profondeur de la société, considérant que "nos premiers censeurs, c'est nous".

Pour réaliser "Elles prennent la parole", Léa Bordier et Lisa Miquet sont allées à la rencontre d'une quinzaine de vidéastes ayant une chaîne sur Youtube. Elles voulaient comprendre pourquoi, sur Youtube, les femmes sont cantonnées dans des domaines dits "féminins". Klaire observe que malgré la liberté offerte par internet, malgré la page blanche qui s'offraient à elles, les femmes ont reproduit ce qui se passe dans les medias traditionnels et se sont focalisées sur les thématiques beauté, people, etc. Cela a par exemple été le cas d'Esther, dont la chaîne Youtube a aujourd'hui près de 85.000 abonnés et qui a débuté avec des videos beauté alors que sa passion, ce sont les sciences. Elle explique : "je ne me sentais absolument pas légitime (...) alors que j'étais en train de rédiger une thèse en astrophysique". Même son de cloche chez une autre vidéaste branchée sciences, Florence : "On fait moins confiance à une femme scientifique qu'à un homme scientifique".



De son côté, Lola, youtubeuse accro à la musique, avoue : "J'ai trop peur que l'on ne me pense pas assez pointue (...). Je sais que je suis calée mais j'ai peur. En t'en parlant, je crois vraiment que c'est parce que je suis une gonz'. C'est terrible, c'est un cauchemar".

 Ces youtubeuses françaises ont construit leur modèle seules, elles ont osé, passant outre certains diktats. Ainsi, rappelle-t-on dans ce documentaire, les femmes qui s'expriment à la télévision sont "hyper castées", en accord avec les critères physiques normés de l'époque. Sur internet en général et Youtube en particulier, il n'y a pas de filtre au physique, pas d'entretien d'embauche. La liberté est pleine et entière. Pourtant, Ina, la si énigmatique jeune femme qui se cache derrière "Solange te parle", se sent un peu seule. Elle aimerait que plus de femmes se rendent visibles sur Youtube. Elle considère que l'on "a besoin que les femmes montrent qu'elles existent". 


Toutes les femmes interviewées dans ce documentaire évoquent l'importance des "rôles modèles" dans la société, dans les sociétés. L'une d'entre elle pense aux petites filles d'aujourd'hui : si elles n'ont pas d'exemples, dit-elle en substance, elles ne voient pas la possibilité qu'elles auront plus tard d'être vidéaste ou présidente de la République...

Marion Séclin, youtubeuse, actrice et mannequin, considère quant à elle que "quand t'es une fille, t'as jamais gagné". Elle développe : "Quand t'es belle, t'es d'abord belle donc ce que tu dis, ça sert à rien. Quand t'es pas très jolie, ben t'es moche donc on ne va pas écouter ce que tu dis non plus". Ca pique un peu...

Enfin, évidemment, dans ce film, les femmes expriment aussi le fait que suite à leurs videos, elles se retrouvent très souvent confrontées à des commentaires sexistes, violents, de toutes sortes. Certaines subissent des menaces de viol. Autant d'attaques qui entament un peu plus la confiance en soi.


"Elles prennent la parole", un documentaire de 53 minutes écrit, produit et réalisé par Léa Bordier et Lisa Miquet, à voir ici.




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