Depuis le début des
années 90, Dorothée Olliéric est reporter pour France 2. Elle arpente les pays en guerre. Lors de l'interview téléphonique qu'elle m'a accordée, elle dit juste : « C’est mon métier, c’est comme ça ». Elle est mariée et
maman de deux enfants, nés au début des années 2000. J’avais supposé qu’une vie
comme la sienne nécessitait de pouvoir se reposer entièrement sur son concubin…
à tort ! Pour Dorothée, c’est simple : hommes et femmes sont « vissés à l’envers ».
Évoquant son mari (le journaliste Philippe Vandel, ndlr), elle rit : « il
n’a jamais capté, il oublie ». Du coup, elle gère. Tout. « Nous avons une jeune fille au pair
que l’on loge. Mais quand je suis là, je m’occupe de tout ». Quand
elle est en reportage, peu importent les circonstances, elle « gère par sms ». Elle n’est
pas présente physiquement mais elle n’est pas absente non plus. Elle fait
réciter leurs leçons à ses enfants au téléphone. Elle se souvient être en
Israël, sous les tirs et faire réciter sa poésie à son garçon : « Je réalise que je me fais braquer par
la tourelle d’un char alors que j’ai mon fils au téléphone », me
raconte-t-elle. Dorothée doit alors raccrocher le téléphone rapidement, sans
inquiéter son fils pour autant. Elle ne peut pas lui dire ce qui est en train
de se passer mais elle doit raccrocher. Elle abrège sa conversation
avec son petit garçon, celui-là même qui, alors qu’il n’avait que quatre mois, avait
été séparé de sa maman contrainte de partir en reportage en Afghanistan pour 5 jours. « Evidemment, les 5
jours se sont transformés en 15 jours. J’ai découvert la peur de mourir et la
perception du danger (…). A 25 ans, je me sentais immortelle. Depuis que j’ai
des enfants, je suis plus prudente ».
A-t-elle jamais pensé
arrêter ce métier, de peur de ne pas profiter assez de ses enfants ou pire, de
risquer de faire d’eux des orphelins ? Elle a essayé de calmer le jeu,
oui. En 2004, à la naissance de sa fille. Pendant 3 ans, elle occupe un poste
de chef adjointe, à Paris. Mais « j’avais
l’impression de dépérir. J’étais malheureuse », me raconte-t-elle.
Alors elle a fait le choix de retourner sur le terrain. Quand son fils lui
reproche de ne jamais être là, elle culpabilise mais son équilibre passe par le
terrain, elle en a besoin. La mort de son ami Gilles Jacquier[1] a été très dure à vivre
pour sa famille. Dorothée a alors du jurer à sa fille que jamais elle n’irait
en Syrie. Quand, quelques mois plus tard, son supérieur lui demande de s’y
rendre, elle en parle avec ses enfants. « Ma
fille m’a juste dit : « tu as promis maman »... Je n’y suis pas
allée ».
Il est rare cependant
qu’elle refuse de partir en reportage. Elle a manqué des anniversaires, des fêtes
de Noël. Elle culpabilise bien sûr mais bon an mal an, elle trouve toujours
qu’il vaut mieux pour ses enfants avoir une maman épanouie. Très peu de femmes mènent la vie qu’elle a. « Ca passe par un peu d’égoïsme », concède-t-elle. Et
alors ?
[1] Gilles
Jacquier, grand reporter pour France télévisions, décède à Homs en Syrie le 11
janvier 2012, sous les tirs d’obus. C’est un proche ami de Dorothée Olliéric.
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