mardi 21 mars 2017

Dorothée Olliéric... sur tous les fronts



Depuis le début des années 90, Dorothée Olliéric est reporter pour France 2. Elle arpente les pays en guerre. Lors de l'interview téléphonique qu'elle m'a accordée, elle dit juste : « C’est mon métier, c’est comme ça ». Elle est mariée et maman de deux enfants, nés au début des années 2000. J’avais supposé qu’une vie comme la sienne nécessitait de pouvoir se reposer entièrement sur son concubin… à tort ! Pour Dorothée, c’est simple : hommes et femmes sont « vissés à l’envers ». Évoquant son mari (le journaliste Philippe Vandel, ndlr), elle rit : « il n’a jamais capté, il oublie ». Du coup, elle gère. Tout. « Nous avons une jeune fille au pair que l’on loge. Mais quand je suis là, je m’occupe de tout ». Quand elle est en reportage, peu importent les circonstances, elle « gère par sms ». Elle n’est pas présente physiquement mais elle n’est pas absente non plus. Elle fait réciter leurs leçons à ses enfants au téléphone. Elle se souvient être en Israël, sous les tirs et faire réciter sa poésie à son garçon : « Je réalise que je me fais braquer par la tourelle d’un char alors que j’ai mon fils au téléphone », me raconte-t-elle. Dorothée doit alors raccrocher le téléphone rapidement, sans inquiéter son fils pour autant. Elle ne peut pas lui dire ce qui est en train de se passer mais elle doit raccrocher. Elle abrège sa conversation avec son petit garçon, celui-là même qui, alors qu’il n’avait que quatre mois, avait été séparé de sa maman contrainte de partir en reportage en Afghanistan pour 5 jours. « Evidemment, les 5 jours se sont transformés en 15 jours. J’ai découvert la peur de mourir et la perception du danger (…). A 25 ans, je me sentais immortelle. Depuis que j’ai des enfants, je suis plus prudente ».



A-t-elle jamais pensé arrêter ce métier, de peur de ne pas profiter assez de ses enfants ou pire, de risquer de faire d’eux des orphelins ? Elle a essayé de calmer le jeu, oui. En 2004, à la naissance de sa fille. Pendant 3 ans, elle occupe un poste de chef adjointe, à Paris. Mais « j’avais l’impression de dépérir. J’étais malheureuse », me raconte-t-elle. Alors elle a fait le choix de retourner sur le terrain. Quand son fils lui reproche de ne jamais être là, elle culpabilise mais son équilibre passe par le terrain, elle en a besoin. La mort de son ami Gilles Jacquier[1] a été très dure à vivre pour sa famille. Dorothée a alors du jurer à sa fille que jamais elle n’irait en Syrie. Quand, quelques mois plus tard, son supérieur lui demande de s’y rendre, elle en parle avec ses enfants. « Ma fille m’a juste dit : « tu as promis maman »... Je n’y suis pas allée ».
Il est rare cependant qu’elle refuse de partir en reportage. Elle a manqué des anniversaires, des fêtes de Noël. Elle culpabilise bien sûr mais bon an mal an, elle trouve toujours qu’il vaut mieux pour ses enfants avoir une maman épanouie. Très peu de femmes mènent la vie qu’elle a. « Ca passe par un peu d’égoïsme », concède-t-elle. Et alors ?



[1] Gilles Jacquier, grand reporter pour France télévisions, décède à Homs en Syrie le 11 janvier 2012, sous les tirs d’obus. C’est un proche ami de Dorothée Olliéric.

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