jeudi 31 mai 2018

Tu seras un homme, mon fils

Pendant ce mois de juin, vos chaînes de télévision préférées diffuseront un spot de la Fondation des femmes, intitulé "Tu seras un homme mon fils". En référence à ce superbe poème de Rudyard Kipling (voir ici : Tu seras un homme mon fils ), ce spot de 45 secondes vise à rappeler aux hommes l'importance de leur implication dans les combats contre les violences faites aux femmes. Et ce faisant, l'importance de l'exemple qu'ils donnent à leurs fils, et plus largement encore, l'importance de l'éducation des enfants dans ce champ-là.

Sa signature, " le harcèlement et les violences faites aux femmes, ce n'est pas que l'affaire des femmes", est plus que claire et en appelle à une prise de conscience des hommes. Il explique que tu seras un homme quand tu sauras faire preuve de respect, quand tu oeuvreras contre les inégalités, contre l'humiliation, quand tu te relèveras après un échec. Tu seras un homme, aussi, "si tu es capable de regarder une femme sans qu'elle n'ait à craindre ton regard".



Début symbolique de la diffusion de ce spot : ce vendredi, sur TF1, juste avant l'ouverture du match de football entre la France et l'Italie, soit un moment de forte audience, majoritairement masculine.

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- L'homme, le meilleur allié de la femme
- "On est en finale, on est en finale, on est, on est, on est en finale"
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Nos enfants, ces futurs adultes en préparation

mercredi 30 mai 2018

Charge mentale : un joli soufflé retombé

Il y a un an environ, la France découvrait un phénomène incroyable : la charge mentale des femmes. Comme si jusque-là, tout le monde portait des oeillères, comme si personne avant ne s'était posé de questions. Il était admis collectivement que les femmes géraient l'intendance du foyer, s'occupaient des enfants, en plus de leur activité professionnelle. C'était comme ça et personne - ou presque - ne se posait de question. Les femmes avaient bien conscience que quelque chose clochait mais, ma foi, il n'en avait jamais été autrement.

Les langues se sont déliées, sous l'impulsion de la dessinatrice Emma (lire ou relire "Fallait demander", la petite BD incontournable du moment) et des débats se sont tenus ici ou là, dans les soirées, les hommes tombant d'abord des nues, se sentant parfois un tantinet coupables, découvrant subitement l'étendue de ce que font les femmes. Certains se sont mis à aider plus à la maison, prêts à quelques efforts, mais ne comprenant pas que non, vraiment, la charge mentale, ce n'est pas le partage des tâches (lire ou relire La charge mentale, ce n'est pas le partage des tâches). Evidemment, partager les tâches domestiques, administratives et autres, on n'est pas contre nous les femmes, on applaudit. Mais ça ne suffit pas. Ce n'est toujours pas ça l'idée. Le sujet de fond, c'est que, en couple, nous ne sommes pas votre assistante, votre secrétaire, pas plus que l'appli agenda de votre smartphone, messieurs. Nous ne sommes pas là pour penser à votre place et nous n'avons pas le monopole de l'organisation, de la gestion de projets (vacances, travaux dans la maison, etc) et de l'intendance. Pas plus que de la machine à laver ou que du frigo.

Crédit : Emma

Un an après ce débat, la charge mentale fait toujours l'objet d'articles de presse, de chroniques ici ou là. L'expression est désormais suffisamment usitée pour être passée dans le langage commun, même si avec une définition dévoyée. Les magazines titrent : "Pour la fête des mères, soulageons les mamans de la charge mentale", "Les applis au secours des mères débordées ?", "3 exercices de sophro pour alléger ma charge mentale", "Contraception : l'autre charge mentale des femmes", "Charge mentale : comment retrouver du temps pour soi"... Mais quand on se penche un peu plus sur ces papiers, on réalise que l'écrasante majorité de ces articles est publiée... dans la presse féminine. Que donc les conseils qui vont être donnés sont à destination des femmes, pour qu'en gros, elles allègent leur charge mentale elles-mêmes. Ces articles n'ont pas vocation à être lus par les hommes. On fait de ce sujet quelque chose d'exclusivement féminin et qui ne sera donc à nouveau possiblement réglé que par les femmes, les hommes s'en lavant les mains. Que l'on me cite un article, un seul, sur la charge mentale des femmes qui aurait été publié dans un magazine dédié aux hommes. 

Certes, on trouve toujours des sujets à propos de la charge mentale dans les colonnes de la presse dite "généraliste". Je serais cependant curieuse de savoir quel pourcentage de lecteurs masculins pose ses yeux dessus. Ce sujet, sitôt mis en lumière, sitôt oublié, semble-t-il. Et la forme d'espoir suscitée par la multitude de débats autour de ce thème il y a un an est retombée comme un soufflé. Il y a quelques jours, à la boulangerie, une dame manifestement stressée disait à la boulangère : "Il est 18h30, il faut encore que je fasse ça, ça et ça". Et la boulangère de lui répondre, un peu blasée : "vive la condition féminine !"

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mardi 29 mai 2018

Libre choix de carrière au pays du déterminisme social : la responsabilité des parents

Petits enfants, petits soucis, dit l'adage.
A mesure que les enfants grandissent, que se dessine leur avenir, que leurs choix orientent leurs vies entières, comment les parents doivent / peuvent agir ? Le doivent-ils, d'ailleurs ?
"Quand je serai grand, je serai paléontologue". "Quand je serai grande, je marcherai sur la lune". "Quand je serai grande, je serai maîtresse". Quand les enfants sont petits, ils ont des rêves d'avenir plus ou moins farfelus, ou terre-à-terre. Les adultes en rient.
Mais quand vient l'âge des études supérieures, le rire laisse place à l'inquiétude. Attention aux filières universitaires si séduisantes mais sans débouchés. Attention aux ambitions trop démesurées. Attention, attention.

Quand on est parent, on est parfois tenté de mettre ses enfants en garde, pour qu'ils ne reproduisent pas ses propres erreurs. On peut aussi être ambitieux par procuration et espérer qu'ils s'orientent vers la filière que nous n'avons pas su suivre, qu'ils accèdent aux chemins que nous n'avons pas été capables d'emprunter. Et puis l'on peut aussi, parfois, chercher à ce que les enfants reproduisent le modèle familial. "Ma soeur a fait du droit, ma mère a fait du droit, mes grands-parents ont fait du droit, on est très Droit dans la famille", confiait Constance dans un film documentaire de Julie Gavras, "Les bonnes conditions" (diffusé il y a quelques jours sur Arte et accessible sur le replay de la chaine jusqu'au 15 juillet) qui suit sur une quinzaine d'années quelques jeunes du 7è arrondissement de Paris. Alors Constance a fait droit. Enfin, elle a commencé. Et puis elle a arrêté, pour finalement s'orienter dans la communication.

Chez Victoria, c'est à l'avenant : "Ma soeur fait Sciences-po, ma mère a fait Sciences-po, mon père a fait Sciences-po, mes grands-parents aussi. Tout le monde, en fait". Mais Victoria le soutient mordicus, elle ne fera pas Sciences-po. Il lui suffit de regarder la vie de son père pour en être intimement persuadée : "Mon père a un poste très haut placé, très bien payé, très inintéressant. Il bosse 50 heures par semaine mais il s'emmerde, j'ai l'impression". Ce ne sera donc pas Sciences-po. Pourtant, avec sa mention très bien au bac, Victoria s'en serait sortie comme qui rigole. Elle se cherche un peu et finalement, cède à sa passion, l'art lyrique et la mise en scène. Elle raconte : "Mes parents étaient inquiets pour moi, ils pensaient que je n'allais pas y arriver. Et ils me le disaient, ce qui ne facilitait pas les choses. Ca m'énervait, j'avais envie de leur prouver que... et en même temps je me disais : mon dieu, s'ils avaient raison, je suis si fragile". Peu sûre d'elle, Victoria ? C'est rien de le dire. Et pourtant, elle y arrive. 

Quant à Marie, la donne est différente. Dans sa famille, tout le monde a également fait de brillantes études. Elle est intelligente mais elle est bohème surtout. L'année du bac, elle raconte : "Ca m'handicape d'être attirée par la musique (...). Pourquoi je ne ferais pas Prépa, quelque chose qui me plait et en même temps qui fasse bonne impression ? (...). Je suis un peu regardée de haut par ma famille". Le comble, c'est encore quand elle explique à ses parents qu'elle sort avec un musicien du métro. Une lycéenne des beaux quartiers parisiens qui s'entiche d'un guitariste sans le sou !... Mais Marie n'est pas en guerre contre un modèle social qui lui pèserait. Ce n'est pas ça. C'est juste qu'elle a envie d'une vie différente des siens, même si, admet-elle, du haut de ses 18 ans, "j'ai envie d'avoir de l'argent pour vivre bien. J'ai pas envie d'avoir peur pour mes fins de mois, de galérer". Douze ans plus tard, Marie n'a pas lâché son rêve. De groupe de musique en série de concerts, aujourd'hui, elle accompagne les chanteuses Louane et Zazie sur scène et sur leurs albums. Elle a collaboré avec Christian Olivier, avec le groupe Debout sur le zinc. Malgré des périodes de vache maigre, avec son seul bac en poche, la demoiselle des beaux quartiers est parvenue au niveau qu'elle convoitait.

Dans les catégories sociales les moins favorisées, accompagner ses enfants dans leurs rêves d'avenir est encore un autre défi, d'envergure évidemment plus conséquente. Quoique la pression ressentie par le jeune adulte est peut-être moins forte. Les jeunes suivis dans ce documentaire de Julie Gavras ont eu à se débattre contre le carcan dans lequel leur famille aisée les avait enfermés. Grosso modo : tu es né avec une cuillère en argent dans la bouche, tu vis dans les beaux quartiers, tu fréquentes un bon lycée, tu dois faire de brillantes études. C'est la pression de la réussite, c'est comme ça. La question du déterminisme social reste très ancrée.

lundi 28 mai 2018

L'homme, le meilleur allié de la femme

On ne va pas se mentir : sans un minimum de soutien ou en tout cas d'acceptation de la part des hommes, les femmes auront quelques difficultés à asseoir leur place dans le monde du travail. Tout ne peut pas être bouleversé en deux temps, trois mouvements, les postes stratégiques dans la majorité des entreprises étant entre les mains de ces messieurs. On ne va pas pouvoir les évincer sans batailler un peu.

Les filles étant meilleures que les garçons à l'école, en toute logique, si les choses étaient simples, elles devraient avoir les places de choix dans le monde du travail. Puisque ce n'est pas le cas, il faut se retrousser les manches et faire preuve de ruse et de persévérance  pour modifier, peu à peu, l'allure générale des conseils d'administration. Pour ce faire, on peut allier nos forces, en s'investissant par exemples, dans les réseaux professionnels qui oeuvrent pour améliorer la visibilité des femmes et renforcer leur attractivité professionnelle ( lire ici : Les femmes prennent la parole ).

Mais on peut aussi s'appuyer sur le volontarisme de ces messieurs. Les hommes sont en effet de plus en plus nombreux à militer en faveur d'une mise en valeur des talents et compétences des femmes. Ainsi, on a pu lire il y a quelques jours cette annonce de l'acteur britannique Benedict Cumberbatch qu'il a décidé de ne plus accepter de rôle dans des projets cinématographiques où les femmes seraient moins payées. C'est évidemment une déclaration symbolique pour lui. Il dispose d'une carrière florissante, il croule vraisemblablement sous les propositions. En d'autres termes, ça ne lui coûte rien de déclarer cela. Mais cela profite à l'ensemble de la profession et pourrait contribuer à assainir le système de rémunération dans le cinéma, pour peu que d'autres acteurs suivent son exemple.

Benedict Cumberbatch

Dans le même genre d'idées, une pétition circule depuis quelques jours en Espagne : 80 universitaires masculins ont déclaré qu'ils ne participeraient plus à des conférences ou congrès dans lesquels il n'y aurait pas au minimum une femme experte invitée à s'exprimer comme eux. Quinze jours plus tard, la liste compte désormais 614 signatures d'hommes universitaires espagnols (liste à consulter ici : No sin mujeres ). On attend le même genre d'initiatives en France.

Lire aussi :
- Les femmes prennent la parole
- Les femmes, leur instinct de préservation et leurs oeillères
- Rendre l'expertise au féminin visible
- Inverser la tendance
- Le leadership des femmes toujours critiqué
- Quand les femmes ambitieuses se montrent

vendredi 25 mai 2018

Bonne fête mamans !

Hier soir, à table, les enfants expliquent à leur père qu'il doit faire attention : ils ont caché dans leurs chambres leur cadeau pour la fête des mères. Il rétorque : "Ah mais c'est déjà ce week-end la fête des mères ?"
Moi, un brin cynique : "oui, c'est le moment de m'offrir un nouvel aspirateur"
Lui, dans le même état d'esprit : "j'avais plutôt pensé à la biographie de Klaus Barbie".

Nous y sommes donc à nouveau. 
Comme chaque année, on nous rebat les oreilles avec la consécration de la mère de famille. Le site internet Topito a joué la carte de l'humour en publiant cette semaine une vidéo sur le sujet :



Plus sérieusement, on a quand même de quoi se réjouir en cette avant-veille de fête des mères :

1/ Les footballeuses lyonnaises ont remporté hier soir pour la cinquième fois de leur histoire la Ligue des Champions et sont à la Une de L'Equipe du jour.



2/ Sur un sujet totalement différent, Harvey Weinstein s'est rendu ce matin à la police, à New-York, après plusieurs mois de silence. L'ancien producteur de cinéma a perdu de sa superbe, c'est le moins que l'on puisse dire. Il devrait être inculpé d'agression(s) sexuelle(s) mais pourrait, dit-on, ne pas passer par la case prison. Plusieurs medias  annoncent en effet qu'il aurait négocié une remise en liberté sous caution - d'un montant avancé de 1 million de dollars, tout de même - en échange du port d'un bracelet électronique et de la remise de son passeport aux autorités. "Boom" a simplement réagi sur Twitter l'actrice Asia Argento.

Joyeuse fête des mères mesdames !




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jeudi 24 mai 2018

"On est en finale, on est en finale, on est, on est, on est en finale..."

Vous savez quoi ? Ce jeudi soir, l'équipe de football de Lyon est en finale de la Ligue des Champions, face à l'équipe allemande de Wolfsburg. Comment ça, vous ne le saviez pas ?
Vous ne le saviez pas pour une raison simple : c'est de football féminin qu'il s'agit. De manière générale, les sports collectifs au féminin sont les grands oubliés des medias. Les sportives ont beau être talentueuses, volontaires et couronnées de succès (on pense par exemple aux différents titres de l'équipe de France de handball féminin), on ne parle d'elles qu'à la condition qu'elles parviennent au sommet des compétitions.

Il y a quelques jours, l'arrivée en finale de la Ligue Europa de l'Olympique de Marseille version masculine a été traitée en long, en large et en travers, avant, pendant et après le match. Les Marseillais ont perdu lamentablement et tout le monde en a parlé, commentant, refaisant le match à l'envi.

Crédit photo : R. Mouillaud / Le Progrès

Aujourd'hui, c'est à peine si l'on évoque ce match si important de l'équipe lyonnaise féminine. Pourtant, les françaises partent favorites, paraît-il. L'Equipe n'en a même pas fait son grand titre de Une, préférant consacrer sa couverture à ce témoignage d'un joueur de foot victime d'un malaise cardiaque. Les footballeuses de Lyon n'ont droit qu'à un bandeau dont la largeur est inférieure à celle du bandeau publicitaire de bas de page vantant les mérites d'un robot de cuisine ( oh tiens, mais c'est la fête des mères dimanche prochain...). Quant à la petite photo supposée les représenter, elle est déconcertante : pas une seule des trois joueuses de la photo n'est de face, ou identifiable facilement alors que lui, Hugo Aine, semble vous regarder les yeux dans les yeux...

Le journal L'Equipe, édition du 24 mai 2018


On parle généralement assez volontiers des femmes dans des disciplines telles que le tennis, la natation, l'athlétisme mais dès qu'il s'agit de sports collectifs, on les oublie. Comme si leurs performances sur le terrain ne valaient rien, en comparaison de celles de leurs homologues masculins. C'est sûr, il y a moins de licenciées que de licenciés dans ces sports de ballons. Mais quid de la poule et de l'oeuf ? Si on ne les montre pas, si on ne médiatise pas le jeu de ces femmes-là, on n'incitera pas les filles à s'inscrire en clubs. Dans le sport comme ailleurs, les filles ont besoin de modèles, elles ont besoin de s'identifier, de rêver.

On sait tous nommer des joueurs de foot masculins, et si ce n'est pour leurs performances sur le terrain, au moins pour leurs frasques diverses et variées. Mais quels sont les noms des joueuses lyonnaises de ce soir ? Je serais bien incapable d'en citer un seul. 

Vous pourrez retrouver leurs noms et leurs CV ici : Equipe pro féminine

Crédit photo : R. Mouillaud / Le Progrès

Edit de 21h : les Lyonnaises l'ont emporté haut la main ce soir par 4 buts à 1. Bravo mesdames ! Remporteront-elles la bataille médiatique et feront-elles la Une des journaux demain matin ?

Lire aussi :
- Education - Des trucs de fille, des trucs de garçons
- Qu'est-ce qui forge les rêves des enfants ?
- Naomi Wadler, une militante de 11 ans
- "Aux filles rebelles du monde entier..."
- "Quand t'es une fille, t'as jamais gagné"

mercredi 23 mai 2018

Entre perfectionnisme et j'm'en-foutisme

Habituellement, il n'y a pas de suite au jour le jour dans les posts publiés ici.
Mais voilà qu'hier, suite à cet article autour du sentiment de culpabilité (lire ici : En finir avec l'auto-flagellation), une lectrice observait qu'autour d'elle, que ce soit dans la sphère privée comme dans la sphère professionnelle, elle avait, à la différence de moi, l'impression que les gens "ne veulent justement aucune responsabilité dans rien et pour rien", que grosso modo, ils se désinvestissent et s'en lavent les mains si tout ne tourne pas comme il faudrait. 

Il faudrait pouvoir pousser cette réflexion plus avant, parvenir à savoir quels sont les profils qui prennent tout à coeur, versus ceux qui se fichent de la bonne marche des choses ou en tout cas ne se mettent pas la rate au court bouillon à la moindre anicroche. Et savoir - aussi - s'il y a des différences notables entre les sexes sur le sujet. Un chef d'équipe dans une société de services expliquait il y a quelques semaines qu'il cherchait à "recruter des femmes car elles sont plus consciencieuses". Elles cherchent à bien faire, elles vont au bout des projets, quand leurs homologues masculins seraient plus "j'm'en-foutistes". Tel était son constat, lui qui avait jusque-là plutôt évolué professionnellement au milieu d'hommes. Un regard peut-être à mettre en parallèle avec cette idée que les femmes ont toujours à faire la preuve de leur efficacité et de leurs compétences quand les hommes partent du principe a priori qu'ils sont compétents, même s'ils ne le sont pas. "Un homme accepte un poste s'il estime avoir 50% des compétences. Il en faut 80% à une femme pour qu'elle ose se lancer", écrit Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales (lire ici : Marché du travail : peine et double-peine des femmes).

Evidemment, tout ne se résume pas ainsi, tout n'est pas noir ou blanc. Les nuances de gris sont importantes. Il n'y a pas d'un côté les perfectionnistes et de l'autre, ceux qui sont dans l'à peu près. Et à mesure que la charge qui incombe à un adulte est lourde, il lui devient de plus en plus compliqué de viser la perfection.

Si vous avez 52 minutes devant vous, je vous recommande d'écouter cette émission d'il y a quelques jours, sur France inter, autour du culte de la perfection : Grand bien vous fasse.

Lire aussi :
- En finir avec l'auto-flagellation
Les trentenaires manquent-delles d'ambition ? 
Marché du travail : peine et double-peine des femmes 
Inégalités salariales : les dés sont pipés dès l'entrée sur le marché du travail 
Les filles championnes du travail en collaboration

mardi 22 mai 2018

En finir avec l'auto-flagellation

Mea culpa, mea maxima culpa...

Dans le monde de 2018, à tout le moins en France, il faut se responsabiliser. Quoi qu'il arrive, vous serez - au moins en partie - responsable. C'est comme ça.

Les cookies sont trop cuits ? C'est de ta faute, tu n'avais qu'à surveiller le four.
Ton môme s'est chamaillé avec un camarade de classe ? C'est de ta faute, tu ne lui as pas enseigné qu'il fallait se faire discret.
Ta voiture est en panne ? C'est-à-dire que si tu l'avais emmenée à la révision à temps, ce ne serait pas arrivé.
Tu n'as pas rendu ton dossier à la date prévue ? Cherche pas, tu es responsable de ce retard : tu n'as pas été suffisamment efficace.
Tu culpabilises ? Tant mieux, à l'avenir tu veilleras à être meilleur(e). Oui, parce qu'au cas où tu n'aurais pas encore compris, c'est comme ça la vie : tu ne fais jamais assez bien. Donc, tu dois culpabiliser ne pas être assez bon et tu dois travailler à t'améliorer. Tu dois viser la perfection, quel que soit le sujet. Tu ne dois pas chercher à améliorer tes performances. Non, ça, ça ne suffit pas, c'est trop petit joueur : tu dois atteindre la perfection. Et tant que tu n'y es pas parvenu, alors tu dois culpabiliser.

J'observe autour de moi des dizaines de personnes atteintes de cet espèce de syndrome des temps modernes. Des personnes que je cotoie de près ou de loin et chez lesquelles cette recherche de l'excellence est hautement palpable. Et qui bataillent, sur tous les fronts, quitte à s'en rendre malades et guettent les retours positifs à chacune de leurs actions, avides de s'entendre dire qu'elles sont les meilleures. A défaut, elles auront une fâcheuse tendance à s'excuser : "désolée les enfants, ce soir on mangera des coquillettes, je n'ai pas eu le temps de faire les courses". (bon ok, très mauvais exemple : les enfants adorent les pâtes)

Sauf que, forcément, on ne peut pas être le meilleur, on est trop nombreux dans la course. On ne peut pas lutter sur tous les fronts, être au taquet dans tous les domaines, irréprochables quoi qu'il arrive. A l'impossible, nul n'est tenu, dit l'adage.
Ca ne veut pas dire pour autant qu'il faille baisser les bras à la première difficulté rencontrée ou ne s'impliquer dans rien. Ca veut juste dire qu'il est préférable de voir le verre à moitié plein, qu'il vaut mieux lâcher du lest, ménager sa monture... Vous choisirez l'image qui vous convient le mieux. Mais faire au mieux, dans les limites du raisonnable, en avançant étape par étape.

Lire aussi :
- Vie de famille et travail : peser le pour et le contre et opérer ses choix
- Injonctions de la société : entre stress et "slowlife", choisis ton camp !
- Ne me dis pas quel est ton job, dis-moi qui tu es
- Sorties scolaires : le casse-tête des parents accompagnateurs
- Entre travail et famille, la société ambivalente
- Le sentiment d'être une "mère indigne"
- La vraie vie est remplie de journées de merde

jeudi 17 mai 2018

Projet de loi Schiappa : beaucoup de bruit pour rien ?

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de Nicole Belloubet, garde des Sceaux et Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, portant sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ca s'est passé mardi soir, ça a duré des heures et des heures, et ce fut plutôt électrique. 

En cause, la rédaction de l'article 2 de ladite loi dont la formulation un peu ambigue laissait planer un doute sur le sens du texte, selon les députés de l'opposition, lesquels souhaitaient qu'il soit écrit noir sur blanc que s'agissant des mineurs de quinze ans, il y avait de facto présomption de non-consentement à l'acte sexuel avec un adulte. Or, la formulation retenue est celle-ci :
« Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze
ans, la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l’abus de
l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du
discernement nécessaire pour consentir à ces actes. » 
 
A ces députés-là, qui contestent l'écriture du texte et non le concept, Marlène Schiappa a rétorqué, en colère : "Vous dites aux agresseurs qu'ils seront désormais moins punis alors que le sens de ce projet de loi, c'est de punir toutes les violences sexistes et sexuelles". Elle dénonce "les mensonges qui sont faits autour de ce projet de loi". Elle ne défend pas son texte sur le fond, ne cherche pas à débattre de façon constructive avec les députés, mais renvoie la faute à ses détracteurs. Décidément, Marlène Schiappa, si vous n'êtes pas avec elle, c'est donc que vous êtes contre elle (lire ou relire ici : Marlène Schiappa : quand les langues se délient).

Photo AFP

Pour le reste, si l'on espérait un texte législatif d'envergure sur le sujet des violences sexuelles et sexistes, alors on peut encore attendre. Peu de thématiques sont en effet traitées dans ce projet de loi qui ne comprend que cinq articles :
- article 1 : allongement du délai de prescription concernant les viols sur mineurs, délai qui passe de 20 à 30 ans
- article 2 : c'est celui copié-collé ci-dessus
- article 3 : lutte contre le harcèlement groupé, notamment le harcèlement via les réseaux sociaux
- article 4 : instauration de l'outrage sexiste
- article 5 : intégration de cette loi dans la législation de l'Outre-mer.

(Pour consulter le texte tel qu'adopté ce mardi 15 mai, ça se passe ici : Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes).

De là à dire que la montagne a accouché d'une souris, il n'y a qu'un pas.

Marlène Schiappa avait confié à Paris-Match, en mars dernier : "Les trois quarts de ma feuille de route, c'est fait"...

Lire aussi :
- Marlène Schiappa : quand les langues se délient
- Harmonisation des congés maternité : patience...
- La PMA est un sujet important... mais pas urgent
- Violences sexuelles : guerre de chapelles entre le gouvernement et le Sénat

mercredi 16 mai 2018

Anne-Marie Couderc, pas juste une femme...

"C'est donc une femme qui va prendre la présidence par intérim d'Air France". Hier mardi 15 mai 2018 (2018 !), c'est ainsi que l'on annonçait la nomination de Anne-Marie Couderc aux commandes de la compagnie Air France - KLM sur les ondes de vos radios préférées. "C’est donc à une femme que le conseil d’administration d'Air-France-KLM confié, ce mardi 15 mai, la « gouvernance de transition » de la compagnie aérienne en pleine crise sociale", lit-on également dans La Croix.

Une fois de plus, on réduit cette personnalité à son genre, on s'emballe sur le fait que pour une telle entreprise, on a choisi une femme.

Anne-Marie Couderc - photo AFP

Mais bon sang, cette femme est avocate, elle a quand même été députée, secrétaire d'Etat, ministre, elle a présidé Presstalis (ex-NMPP) pendant sept ans. Pourquoi retenir de prime abord son sexe ? Qu'est-ce que ça a à voir ? Qu'est-ce que son sexe dit de ses compétences professionnelles ?

Pour une fois, cela dit, on échappe à sa vie privée. Personne n'écrit sur sa famille, on ignore qui partage sa vie, on ignore si elle a des enfants. Ouf ! Sur ce plan-là au moins, on a progressé. Anne-Marie Couderc n'est donc pas une femme de...

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mardi 15 mai 2018

Quels enfants veut-on ?

"Lisez des livres de développement personnel, vous y apprendrez qu’un enfant est une chance. Passez un entretien d’embauche, et vous comprendrez qu’il est un risque", lisais-je ce matin dans un article de la suisse Rebecca Ruiz (voir ici : "Vous voulez des enfants ? Débrouillez-vous"). Dans ces deux phrases-là se nichent tous les indicateurs ambigus des pays du monde occidental en ce début de 21ème siècle. "L'enfant est une chance" versus "l'enfant est un risque". De quoi y perdre son latin...

La place des femmes a plus évolué au cours du dernier siècle qu'elle ne l'a fait depuis le début de l'humanité. C'est vrai. Mais au fond, n'est-on pas allés un peu vite ces 50 dernières années, comme si l'on cherchait à rattrapper le retard accumulé auparavant ? Evidemment, tout ce qui a été obtenu par les combats des femmes au cours du siècle passé est juste, mérité, obtenu de haute lutte. Evidemment, c'est réjouissant. Evidemment, on ne reviendrait en arrière pour rien au monde. Mais n'est-il pas consternant, selon les circonstances, de voir un enfant comme une chance ou comme un risque ? Comment se peut-il que l'on en vienne à se poser la question en ces termes : avoir un enfant ne va-t-il pas me faire courir des risques ?

Plutôt que de poser la question de savoir si avoir un enfant est une chance ou un risque, pourquoi ne pas plutôt se demander pourquoi on fait des enfants (lire : ""Pourquoi fait-on des enfants ?") et peut-être même plutôt : quels enfants veut-on faire ? Cherche-t-on simplement à assurer l'avenir de l'humanité, quantitativement s'entend, ou bien souhaite-t-on améliorer l'humanité en élevant nos enfants de manière plus juste, en cherchant à faire d'eux des êtres éclairés, heureux et bienveillants ?

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lundi 14 mai 2018

Cate Blanchett : "let's climb"

Mi-mai. Comme chaque année, tout ce que la planète compte de glamour et d'élégance se retrouve dans le sud de la France, à Cannes, pour le festival de cinéma. C'est classe, ça brille, ça sourit, ça pose pour des photos, ça s'embrasse, ça se congratule. Ca fait la fête. Ca défile dans des robes de grands couturiers. Souvent sexy, parfois carrément osées. Ces messieurs portent le smoking. Ca fait son petit effet aussi.

Mais à l'occasion, ça hausse le ton.

Cette année, quelques mois après le scandale Weinstein et dans la foulée de la création du fonds Time's up par des actrices américaines (lire ici : Les #metoo suspectées de puritanisme), les femmes du monde du cinéma sont entrées dans la mêlée. Symboliquement mais fermement.

Emmenées par la charismatique Cate Blanchett, présidente du jury du festival cette année, 82 femmes ont ensemble monté les marches ce week-end, s'arrêtant pour poser à mi-chemin. Elles entendaient représenter les 82 réalisatrices ayant été présentées en compétition depuis la création du festival, en 1946, versus 1688 réalisateurs. Pas moins de 71 réalisateurs ont reçu une palme d'or à Cannes, contre... deux femmes, Jane Campion et Agnès Varda.

Photo Closer


Forcément, ça coince un peu. Le cinéma, faut-il le rappeler, est une représentation du monde. Il devrait donc, selon toute logique, être une photo fidèle de la vie réelle. Les stars de cinéma, en ceci qu'elles sont des rôles-modèles pour les enfants du monde entier, ont de ce point de vue une forme de devoir : elles doivent "montrer l'exemple". Aussi le combat de Cate Blanchett pour améliorer la place des femmes dans l'industrie du cinéma est important. Il a valeur d'exemple : Cate Blanchett doit à la fois montrer aux filles combien il est important de se battre pour obtenir ce que l'on veut, parce que c'est juste, mais elle doit aussi parvenir à l'égalité dans le cinéma pour que ce secteur fasse figure de modèle.

Cate Blanchett





S'il est acquis qu'une actrice doit pouvoir prétendre au même salaire qu'un acteur, si ce principe devient réalité, si le cinéma parvient à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, sous les caméras des médias du monde entier, alors rien ne s'opposera à ce qu'il en soit de même pour tous les secteurs de l'économie. Le cinéma, c'est la partie émergée de l'iceberg. "Let's climb", dit Cate Blanchett.



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mercredi 9 mai 2018

Vie de famille et travail : peser le pour et le contre et opérer ses choix

Léa a 25 ans. Avec son compagnon, elle vient d'avoir son premier enfant. La tête dans les nuages mais bien sur les épaules, les tourtereaux doivent revoir l'organisation de leur(s) vie(s). Agent d'entretien, elle cumule deux CDI à temps partiel qui la tiennent éloignée de son domicile dès 8h du matin et jusqu'à 21h30. Quant à lui, chauffeur poids lourd, il est beaucoup en déplacement et rentre rarement à la maison en semaine. Quand Léa reprendra le travail après son congé maternité, il est impossible que le bébé soit gardé en crêche : aucune structure ne propose des horaires si étendus ! Les jeunes parents jugent également inconcevable de laisser leur enfant à une assistante maternelle, aussi géniale soit-elle, de 8h à 21h30. 

Alors la décision a été prise : Léa quittera son emploi de fin de journée. Elle ne reprendra que celui du début de journée. Avec un prêt immobilier à rembourser, il faudra faire attention aux dépenses, c'est sûr. Le manque à gagner ne sera pas négligeable mais, dit-elle, "je n'ai pas fait un enfant pour ne pas le voir de la semaine et qu'il soit élevé entièrement par un nounou". Une décision qui a été prise comme une évidence, parce que ça allait de soi pour eux, mais qui va induire la nécessité de se serrer la ceinture. Une contrainte que ces jeunes parents ont décidé d'assumer, ensemble, en même temps qu'ils fondent leur famille, leur foyer.

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lundi 7 mai 2018

Haro sur l'injonction au bikini...

"Plus que deux mois pour être belle en maillot"... Ca y est, le thermomètre a dépassé les 25°, la communication grossophobe saisonnière a commencé. Les entreprises plus ou moins sérieuses qui proposent des régimes rivalisent pour séduire toujours plus de monde en multipliant des spots de pub toujours plus culpabilisant. Et comme les stars ont entamé leur tour des plages, la presse people affiche en couverture des photos retouchées de vos chanteuses préférées en bikini.

En même temps, comme il fait beau, c'est aussi le retour des barbecues et autres apéros/fiestas entre amis. Du coup, en tête de gondole des magasins, vous trouverez des promo sur les paquets de chips, les bouteilles d'apéros et autres douceurs glacées à partager entre amis.

Du coup, il va falloir choisir votre camp : opération bikini en taille 36/38 ou convivialité ? Franchement, ce n'est pas bientôt fini ce cirque ?
Cet agacement est partagé. Ainsi, la Youtubeuse Laura Calu a-t-elle lancé avec succès le hashtag "Objectif bikini ferme ta gueule" - #objectifbikinifermetagueule - invitant les femmes à poster sur les réseaux sociaux des photos d'elles en maillot, quel que soit leur corps. L'objectif : montrer que "la beauté est dans l'oeil de celui qui regarde", que ce qui importe, c'est que les femmes soient bien dans leur peau, avec ou sans kilos superflus. Des hommes se prêtent aussi au jeu, subissant eux aussi cette injonction à avoir un corps musclé et tonique. Photos posées, photos décalées, toutes ont leur place et leur importance pour dénoncer le diktat du corps parfait.


Et puis, il reste toujours ce visuel si éloquent et nécessaire qui, à mon sens, résume tout :


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vendredi 4 mai 2018

Ne me dis pas quel est ton job, dis-moi qui tu es

"Tu fais quoi comme travail ?"
Cette question hallucinante que l'on pose aux gens que l'on rencontre, comme si c'était plus important que de savoir qui ils sont, ce qui les anime, s'ils sont heureux...
Est-ce que le travail définit les personnes ? Est-ce que c'est le poste que tu occupes qui exprime le mieux qui tu es ? Est-ce que le bonheur réside là-dedans ? Est-ce que c'est ce qui compte vraiment, dans la vie ?

On me demande assez régulièrement quel job je fais ou si je cherche du travail. Longtemps, je n'ai pas été très à l'aise avec cette question, comme si j'acceptais mal de ne pas être en harmonie avec les codes de la société, comme si je me sentais en décalage, voire hors sujet. C'est de moins en moins vrai. Je n'exerce pas d'activité salariée, c'est vrai. Je ne touche pas de rémunération, c'est vrai. Et alors ? Est-ce que c'est si grave ? Est-ce que ça me rend moins digne d'intérêt ?



Au fond, je ne suis pas au chômage, je ne vis pas au crochet de la société, et désormais, quand on me demande si je cherche du travail, je ne baisse plus les yeux pour dire que non, je n'en cherche pas. Je suis à l'aise avec ça. 

Evidemment, je ne peux le faire que parce que mon mari a un salaire suffisant pour que notre famille vive sereinement. Evidemment, ce n'est pas le cas de tout le monde. Mais après tout, puisque j'ai cette chance, pourquoi devrais-je avoir un emploi juste parce que c'est "la norme" d'en avoir un ? Pourquoi ne pas reconnaître que je suis heureuse comme je vis et que, j'en suis persuadée, c'est le cas de ma famille aussi ? Pourquoi travailler pour travailler si la source de votre bien-être et de votre bonheur n'en dépendent pas ? Pourquoi diable a-t-on besoin de cette reconnaissance sociale à tout prix ? Je ne suis pas indépendante économiquement. Je vis clairement avec le compte en banque de mon mari. Et alors ? Quand les femmes, dans l'histoire, ont intégré le marché du travail, ce n'est globalement pas parce qu'elles brûlaient d'envie d'avoir du travail. Cela, elles en avaient déjà suffisamment. C'est parce qu'elles voulaient de l'argent. Il convient de ne pas l'oublier.

Certaines me disent : "je ne pourrais pas ne pas travailler, je ne pourrais pas être à la maison comme tu le fais". OK. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui fait que ces personnes-là ne sont pas bien, à la maison ? Pourquoi ont-elles besoin de "fuir" leur foyer ? Où peut-on se sentir mieux que chez soi ? Même lorsque je travaillais comme journaliste, j'avais mon bureau à la maison, j'y travaillais sereinement. Comme Mona Chollet qui, dans "Chez soi", se décrit ainsi : "Une journaliste casanière  : voilà un oxymore embarrassant. Je suis à peu près aussi crédible qu'une charcutière végétarienne (...). Annoncer "Je pars en reportage à Beyrouth" suscite chez vos interlocuteurs bien plus de "ah!" et de "oh!" respectueux, de commentaires enthousiastes, de "Tu me raconteras" que "Je compte passer le week-end enfermée chez moi à écrire".



D'autres me disent : "Et tu ne t'ennuies pas ?" Pourquoi m'ennuierais-je ? Faut-il avoir un emploi pour ne pas s'ennuyer ? Ca servirait donc à ça le travail ? A ne pas s'ennuyer ? A celles-là, je réponds : ce n'est pas parce que je n'ai pas de collègues que je n'échange pas; ce n'est pas parce que je n'ai pas un emploi que j'ai cessé de réfléchir; et ce n'est pas non plus parce que je passe 8 heures par jour seule que je m'ennuie. J'ai même plutôt le sentiment d'avoir développé de nouvelles compétences, d'avoir ajouté des cordes à mon arc, d'avoir élargi mon horizon. Appelez-moi Candide... Après tout, les beaux jours s'installent, "il faut cultiver notre jardin".

mercredi 2 mai 2018

Marlène Schiappa : quand les langues se délient

Probablement l'une des plus médiatiques du gouvernement, Marlène Schiappa veut tout maîtriser. Emmanuel Macron l'a à la bonne, elle le lui rend bien. Elle loue la politique menée par le chef de l'Etat, ne tarit pas d'éloge sur les actions qu'il mène, tandis qu'il lui est reconnaissant pour sa loyauté inébranlable. Depuis un an, pas une semaine ne passe sans que des articles soient publiés la concernant. Madame Schiappa a le sens de la communication. Déterminée et pugnace, elle n'est toutefois pas infaillible. Et c'est ce que l'on retient du portrait fait d'elle il y a quelques semaines dans Envoyé spécial.

Visuel France TV / Envoyé spécial


En effet, le 12 avril dernier, l'emblématique émission de France 2 consacrait un reportage à la secrétaire d'Etat, décrivant une femme charismatique, ambitieuse, qui ne laisse pas indifférent et surprend. "Les idées nouvelles, un peu décalées, un peu originales, on les prend", explique Jean-Claude Boulard, maire de la ville du Mans qui a fait entrer Marlène Schiappa dans l'équipe municipale de sa ville il y a quelques années. C'est d'ailleurs lui qui a présenté Marlène Schiappa à Emmanuel Macron. La suite, on la connaît. L'élue sarthoise a su convaincre le candidat à la présidentielle et chemin faisant, elle a obtenu un secrétariat d'Etat et une grande cause du quinquennat. Beau boulot !

Un an plus tard, les langues se délient cependant au sujet de cette femme qui, quand elle est en colère, ne ménage personne et peut se montrer indélicate, pour ne pas dire blessante. Si vous n'êtes pas avec elle, alors vous êtes contre elle. Et si vous êtes contre elle, elle sera sans pitié. "Si on ne veut pas être attaqué, on ne se met pas dans le champ public", l'a pourtant prévenue Jean-Claude Boulard.

Visuel France TV / Envoyé spécial

Accusée de ne pas avoir su dégager de moyens financiers suffisants par les associations féministes, la secrétaire d'Etat a fermé la porte de son ministère aux féministes et se tourne désormais vers les blogueuses et les cheffes d'entreprises lorsqu'elle a besoin de consulter. Elle les accueille au secrétariat d'Etat comme des copines, alors qu'elle échange vertement, par médias et réseaux sociaux interposés, avec les féministes, telles que Caroline de Haas. Elle se dit féministe, mais pas secrétaire d'Etat des féministes. Toute en nuances... ou en contradictions, diront certains. Elle qui défend bec et ongles les femmes victimes de violences a également défendu Nicolas Hulot. Elle qui voulait avant tout harmoniser les congés maternités - annonçant avant même son entrée au gouvernement que ce serait le premier signal fort du quinquennant (lire ici : Marlène Schiappa, la "touche à tout" du gouvernement) - n'a pas su avancer d'un millimètre sur le sujet et n'en parle même plus. De la même façon qu'elle a cessé de s'exprimer au sujet de l'ouverture de l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA)...

Pour voir ou revoir ce reportage d'Envoyé spécial, ça se passe ici, à partir de 1h17 : Replay de l'émission du 12 avril 2018.


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