mercredi 30 mai 2018

Charge mentale : un joli soufflé retombé

Il y a un an environ, la France découvrait un phénomène incroyable : la charge mentale des femmes. Comme si jusque-là, tout le monde portait des oeillères, comme si personne avant ne s'était posé de questions. Il était admis collectivement que les femmes géraient l'intendance du foyer, s'occupaient des enfants, en plus de leur activité professionnelle. C'était comme ça et personne - ou presque - ne se posait de question. Les femmes avaient bien conscience que quelque chose clochait mais, ma foi, il n'en avait jamais été autrement.

Les langues se sont déliées, sous l'impulsion de la dessinatrice Emma (lire ou relire "Fallait demander", la petite BD incontournable du moment) et des débats se sont tenus ici ou là, dans les soirées, les hommes tombant d'abord des nues, se sentant parfois un tantinet coupables, découvrant subitement l'étendue de ce que font les femmes. Certains se sont mis à aider plus à la maison, prêts à quelques efforts, mais ne comprenant pas que non, vraiment, la charge mentale, ce n'est pas le partage des tâches (lire ou relire La charge mentale, ce n'est pas le partage des tâches). Evidemment, partager les tâches domestiques, administratives et autres, on n'est pas contre nous les femmes, on applaudit. Mais ça ne suffit pas. Ce n'est toujours pas ça l'idée. Le sujet de fond, c'est que, en couple, nous ne sommes pas votre assistante, votre secrétaire, pas plus que l'appli agenda de votre smartphone, messieurs. Nous ne sommes pas là pour penser à votre place et nous n'avons pas le monopole de l'organisation, de la gestion de projets (vacances, travaux dans la maison, etc) et de l'intendance. Pas plus que de la machine à laver ou que du frigo.

Crédit : Emma

Un an après ce débat, la charge mentale fait toujours l'objet d'articles de presse, de chroniques ici ou là. L'expression est désormais suffisamment usitée pour être passée dans le langage commun, même si avec une définition dévoyée. Les magazines titrent : "Pour la fête des mères, soulageons les mamans de la charge mentale", "Les applis au secours des mères débordées ?", "3 exercices de sophro pour alléger ma charge mentale", "Contraception : l'autre charge mentale des femmes", "Charge mentale : comment retrouver du temps pour soi"... Mais quand on se penche un peu plus sur ces papiers, on réalise que l'écrasante majorité de ces articles est publiée... dans la presse féminine. Que donc les conseils qui vont être donnés sont à destination des femmes, pour qu'en gros, elles allègent leur charge mentale elles-mêmes. Ces articles n'ont pas vocation à être lus par les hommes. On fait de ce sujet quelque chose d'exclusivement féminin et qui ne sera donc à nouveau possiblement réglé que par les femmes, les hommes s'en lavant les mains. Que l'on me cite un article, un seul, sur la charge mentale des femmes qui aurait été publié dans un magazine dédié aux hommes. 

Certes, on trouve toujours des sujets à propos de la charge mentale dans les colonnes de la presse dite "généraliste". Je serais cependant curieuse de savoir quel pourcentage de lecteurs masculins pose ses yeux dessus. Ce sujet, sitôt mis en lumière, sitôt oublié, semble-t-il. Et la forme d'espoir suscitée par la multitude de débats autour de ce thème il y a un an est retombée comme un soufflé. Il y a quelques jours, à la boulangerie, une dame manifestement stressée disait à la boulangère : "Il est 18h30, il faut encore que je fasse ça, ça et ça". Et la boulangère de lui répondre, un peu blasée : "vive la condition féminine !"

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