vendredi 4 mai 2018

Ne me dis pas quel est ton job, dis-moi qui tu es

"Tu fais quoi comme travail ?"
Cette question hallucinante que l'on pose aux gens que l'on rencontre, comme si c'était plus important que de savoir qui ils sont, ce qui les anime, s'ils sont heureux...
Est-ce que le travail définit les personnes ? Est-ce que c'est le poste que tu occupes qui exprime le mieux qui tu es ? Est-ce que le bonheur réside là-dedans ? Est-ce que c'est ce qui compte vraiment, dans la vie ?

On me demande assez régulièrement quel job je fais ou si je cherche du travail. Longtemps, je n'ai pas été très à l'aise avec cette question, comme si j'acceptais mal de ne pas être en harmonie avec les codes de la société, comme si je me sentais en décalage, voire hors sujet. C'est de moins en moins vrai. Je n'exerce pas d'activité salariée, c'est vrai. Je ne touche pas de rémunération, c'est vrai. Et alors ? Est-ce que c'est si grave ? Est-ce que ça me rend moins digne d'intérêt ?



Au fond, je ne suis pas au chômage, je ne vis pas au crochet de la société, et désormais, quand on me demande si je cherche du travail, je ne baisse plus les yeux pour dire que non, je n'en cherche pas. Je suis à l'aise avec ça. 

Evidemment, je ne peux le faire que parce que mon mari a un salaire suffisant pour que notre famille vive sereinement. Evidemment, ce n'est pas le cas de tout le monde. Mais après tout, puisque j'ai cette chance, pourquoi devrais-je avoir un emploi juste parce que c'est "la norme" d'en avoir un ? Pourquoi ne pas reconnaître que je suis heureuse comme je vis et que, j'en suis persuadée, c'est le cas de ma famille aussi ? Pourquoi travailler pour travailler si la source de votre bien-être et de votre bonheur n'en dépendent pas ? Pourquoi diable a-t-on besoin de cette reconnaissance sociale à tout prix ? Je ne suis pas indépendante économiquement. Je vis clairement avec le compte en banque de mon mari. Et alors ? Quand les femmes, dans l'histoire, ont intégré le marché du travail, ce n'est globalement pas parce qu'elles brûlaient d'envie d'avoir du travail. Cela, elles en avaient déjà suffisamment. C'est parce qu'elles voulaient de l'argent. Il convient de ne pas l'oublier.

Certaines me disent : "je ne pourrais pas ne pas travailler, je ne pourrais pas être à la maison comme tu le fais". OK. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui fait que ces personnes-là ne sont pas bien, à la maison ? Pourquoi ont-elles besoin de "fuir" leur foyer ? Où peut-on se sentir mieux que chez soi ? Même lorsque je travaillais comme journaliste, j'avais mon bureau à la maison, j'y travaillais sereinement. Comme Mona Chollet qui, dans "Chez soi", se décrit ainsi : "Une journaliste casanière  : voilà un oxymore embarrassant. Je suis à peu près aussi crédible qu'une charcutière végétarienne (...). Annoncer "Je pars en reportage à Beyrouth" suscite chez vos interlocuteurs bien plus de "ah!" et de "oh!" respectueux, de commentaires enthousiastes, de "Tu me raconteras" que "Je compte passer le week-end enfermée chez moi à écrire".



D'autres me disent : "Et tu ne t'ennuies pas ?" Pourquoi m'ennuierais-je ? Faut-il avoir un emploi pour ne pas s'ennuyer ? Ca servirait donc à ça le travail ? A ne pas s'ennuyer ? A celles-là, je réponds : ce n'est pas parce que je n'ai pas de collègues que je n'échange pas; ce n'est pas parce que je n'ai pas un emploi que j'ai cessé de réfléchir; et ce n'est pas non plus parce que je passe 8 heures par jour seule que je m'ennuie. J'ai même plutôt le sentiment d'avoir développé de nouvelles compétences, d'avoir ajouté des cordes à mon arc, d'avoir élargi mon horizon. Appelez-moi Candide... Après tout, les beaux jours s'installent, "il faut cultiver notre jardin".

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