jeudi 2 juillet 2020

Des limites de l'ambition en politique

Je sais, on ne tire pas sur les ambulances, on doit tendre la main, ne pas jouer les Cassandre, les oiseaux de mauvais augure, tout ça. D'habitude, je me tiens pas mal à tout ça, je crois. Mais il y a des fois où vraiment, ce n'est pas possible.

Depuis trois ans, Marlène Schiappa est au gouvernement. Elle occupe la fonction de secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les discriminations. Très clairement, ce que l'on retiendra de ses actions pendant ces trois ans tourne essentiellement autour de la lutte contre les violences faites aux femmes, le harcèlement de rue. Il faut dire qu'elle a du bol - si l'on peut s'exprimer ainsi - dans la mesure où tout ceci se passe pendant l'ère #MeToo. La Terre entière a décidé de se mobiliser contre les violences faites aux femmes. Alors forcément, l'action de la secrétaire d’État bénéficie de cet élan collectif.

Et puis, Marlène Schiappa a été embarquée dans l'aventure des élections municipales de ce printemps 2020. Elle était supposée aider Benjamin Griveaux à conquérir la capitale. La suite, on la connaît : Benjamin Griveaux a dû abandonner la bataille pour cause de médiatisation de son adultère. Agnès Buzyn a repris le flambeau, abandonnant le ministère de la Santé alors même que s'annonçait la crise sanitaire que l'on sait - mauvais timing - et Marlène Schiappa poursuivait sa campagne. En ce 2 juillet 2020, si vous vous rendez sur le site internet du secrétariat d’État, vous constaterez que l'agenda de la ministre n'a pas été réactualisé depuis le 8 mars dernier. Qu'a fait la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes depuis ? Mystère.

Marlène Schiappa sur France Info ce 2 juillet 2020 (capture d'écran)


On le sait aussi, les élections municipales à Paris ont tourné au fiasco pour le parti présidentiel et les résultats de Marlène Schiappa ne sont pas meilleurs que ceux d'Agnès Buzyn *. Ni l'une ni l'autre ne siègeront au conseil de Paris. Marlène Schiappa admet que ces résultats sont "mauvais". Mais elle ne s'étale pas sur sa piètre expérience personnelle ou sur les résultats à l'avenant de son parti politique, non. Ce qu'elle retient, c'est que nombre de villes désormais font confiance aux femmes, que les Français élisent des femmes. Hop, voilà un fait qu'elle peut raccrocher à son secrétariat d’État, une réalité qu'elle peut s'accaparer et peut-être utiliser comme preuve du succès de sa politique, allez savoir.

Et puis surtout, ne pas s'étendre sur son échec cuisant aux municipales lui permet d'envisager le rebond de sa carrière. Un remaniement ministériel s'annonce dans les jours qui viennent. Le nom de Marlène Schiappa a été évoqué pour Matignon, en remplacement d’Édouard Philippe. La secrétaire d’État n'a pas l'outrecuidance de dire qu'elle s'y verrait bien mais elle ne cache pas qu'elle espère un portefeuille plus étendu qu'actuellement et affirme ce matin sur France info que "rien n'empêche" qu'une femme soit nommée à Matignon. En effet, rien ne l'empêche. On admettra toutefois qu'il serait curieux de renvoyer au Havre un Édouard Philippe qui a remporté haut la main ses élections municipales tout en ayant été sur le pont pendant toute la crise sanitaire (que l'on juge son action politique positive ou non pendant cette période, là n'est même pas la question), et de promouvoir dans le même temps au gouvernement une Marlène Schiappa qui s'est pour sa part littéralement écrasée pendant ces élections, alors même que son secrétariat d’État était en sommeil pour cause de confinement...

* Dans le 14è arrondissement de Paris où elle se présentait, Marlène Schiappa était en seconde position de la liste de Eric Azière qui a totalisé 8,61% des voix au deuxième tour des municipales. Le score de Agnès Buzyn est de 13,30%.

Pour mémoire, on ajoutera cette petite vidéo de 2019 qui prend toute sa saveur en ce début d'été 2020 :

 

Lire aussi :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire