mardi 30 juin 2020

Giulia Foïs : "j'ai eu de la chance, j'ai eu le bon viol"

J'entends d'ici les mauvaises langues dire qu'on nous rebat les oreilles avec le livre de Giulia Foïs parce que c'est Giulia Foïs, que l'entre-soi journalistique fait que lorsqu'un membre de la profession publie un bouquin, il est de bon ton d'en faire écho, encore et encore. On se serre les coudes entre journalistes, on se fait de la pub les uns pour les autres. Et donc, si la journaliste Giulia Foïs sort un bouquin, on en parle.

Soit.
Mais pas que.
Si de nombreux médias publient des interviews de Giulia Foïs, c'est surtout parce que son livre traite de viol. D'autres mauvaises langues argueront que c'est un sujet dans l'air du temps.

Giulia Foïs, (c) Jean-François Robert/MODDS


Oui mais non.
Ces mauvaises langues-là sont vraisemblablement des hommes, ou des femmes venues d'une autre planète qui n'ont jamais été agressées, violées, harcelées, "importunées" pour reprendre un langage cher à Catherine Deneuve. Depuis le début de #MeToo, les témoignages anonymes et médiatiques s'enchaînent. Depuis #MeToo, on n'accepte plus. Et c'est dans le sillage de ce mouvement que Adèle Haenel, Sarah Abitbol, Vanessa Springora et tant d'autres ont dénoncé, témoigné, écrit. Pour que ça se sache. Parce que ce sont des femmes qui ont l'opportunité de s'exprimer, qu'elles sont médiatiques. Elles sont la voix des milliers de femmes anonymes et néanmoins victimes de violences sexuelles.

"Je suis une sur deux", page 10.


En 2006, rappelle Giulia Foïs, la romancière Virginie Despentes publiait King kong théorie, où elle interrogeait le sort réservé aux femmes. "Un livre magistral" pour la journaliste qui en 2011, publie dans les colonnes de Marianne un état des lieux du viol en France (lire ici : Le viol en France, enquête sur un silence assourdissant). Il se trouve que Giulia Foïs avait elle-même été victime de viol, en 1997, et que son agresseur, un bon père de famille s'acquittant de ses impôts, avait été acquitté. Alors, armée des écrits de Virginie Despentes et de Clémentine Autain, après son enquête pour Marianne, Giulia Foïs décide de continuer à travailler ce sujet, coûte que coûte. Elle portera le couteau dans la plaie, en utilisant les outils qu'elle maîtrise : l'écriture et la voix. Sur France inter, elle anime l'émission Pas son genre , et chez Flammarion, elle publie "Je suis une sur deux". Dans ce récit, elle "s'adresse à celles qui ont été violées", elle veut leur dire qu'elles ne sont pas seules. "Personne n'en parle", observe-t-elle, les femmes violées se sentent seules avec ce fardeau et "ça entretient l'illusion que si ça leur arrive à elles et rien qu'à elles, c'est donc qu'elles l'ont un peu cherché".

"A nous toutes, on peut y arriver, on peut renverser la table", explique la journaliste sur Louie media. "On n'est pas seules, on est une armée au sens quantitatif et au sens de l'énergie aussi". Désormais, "les femmes ont commencé à parler et ont décidé de ne plus jamais se taire". Et c'est essentiel. Pour mémoire, en France, 1% des viols seulement aboutissent à une condamnation. Alors, cette table, on attend quoi pour la renverser ?

Lire aussi :




 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire