jeudi 6 février 2020

La boite de Pandore : "le cas isolé devient multiple, les monstres omniprésents"

Tout a commencé avec l'affaire Weinstein, en octobre 2017, et le mouvement #MeToo. Le monde du cinéma se réveillait et dénonçait les agissements délictueux d'hommes dégueulasses à l'égard des femmes. Les femmes haussaient le ton, enfin, des deux côtés de l'Atlantique. Plus tôt, il y avait eu bien sûr quelques scandales dans les milieux politiques notamment. George Tron, Dominique Strauss-Kahn... pour n'évoquer que les cas français.

Et puis, le scandale Weinstein a fait boule de neige. Le monde du travail au sens large s'est intéressé à la question. Des femmes, un peu partout, ont dénoncé les agressions qu'elles subissaient, le secteur des médias n'étant évidemment pas en reste. Harcèlements et violences ne pouvaient plus être tolérés. C'était l'heure du grand ménage.

Ces derniers mois, quelques grandes affaires ont éclaté : la ligue du LOL a explosé, Christophe Ruggia a été dénoncé par Adèle Haenel et Gabriel Matzneff par Vanessa Spingora. 
A chaque fois, on se dit que ça ne pourra pas être pire, que décidément on est tombés bien bas dans l'échelle de l'humanité. Et pourtant, à intervalles plus ou moins réguliers, on découvre de nouvelles histoires, de celles dont on n'a pas envie de parler à ses enfants. Depuis une semaine, c'est pourtant le grand déballage. L'ancienne championne de patinage artistique, Sarah Abitbol affirme avoir été violée régulièrement par son entraîneur Gilles Beyer entre 1990 et 1992, alors qu'elle n'avait que 15 ans. D'autres patineuses lui ont emboîté le pas et racontent elles aussi leurs histoires. Ainsi que l'écrivent 54 athlètes français dans une tribune publiée cette semaine sur le site internet de France info, "une fois dévoilée au grand jour, la vérité devient glaçante : le cas isolé devient multiple, les monstres omniprésents". Ils avouent : "il nous est tous arrivé d'avoir des doutes, des suspicions, des bribes d'informations..." mais de ne rien dire. Car "trop souvent, parler, c'est risquer son avenir. Alors, on rentre dans un système où même si l'on entend, on voit, on subit… on a pris l'habitude de se taire".

Sarah Abitbol


La loi du silence. 
Se fondre dans le moule. 
Jusqu'à ce que le moule, un jour, se fissure. Et qu'il éclate.
A l'avenant du monde du sport, celui de l'édition se réveille.
Des femmes du monde de l'édition - et quelques hommes - signent à leur tour une tribune ce jour, également sur le site internet de France info. Elles écrivent: "Les femmes ne sont-elles pas toujours, d'une manière ou d'une autre, infantilisées, ramenées au statut d'éternelles mineures ?
Penser à leur place, jouer avec leur corps, imaginer qu'elles sont d'accord, forcément d'accord, n'est-ce pas l'aveu d'une mentalité vérolée, héritage de plusieurs siècles de domination masculine ? La femme, objet non rationnel, aurait besoin de l'homme pour découvrir ce qu'elle désire. Un tel état d'esprit justifie pour beaucoup les actes les plus répréhensibles."
Aujourd'hui, elles affirment : "Non, nous ne serons plus celles qui encaissent, celles qui subissent (...). L'ère du silence est terminée."

Cette levée de boucliers est évidemment salutaire, bienvenue. Très nombreuses sont vraisemblablement les femmes qui, ayant été victimes, attendaient ce sursaut général. Mais combien faudra-t-il encore de tribunes publiées, de plaidoyers contre l'écrasante domination masculine, pour que les choses basculent vraiment ? Pour, qu'enfin, les femmes puissent ne rien avoir à craindre d'aucun homme, dans le sport, dans la culture, dans le monde du travail ? Combien ce chemin est long...

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