mardi 5 novembre 2019

Adèle Haenel : "le silence est une immense violence"

"Le silence joue toujours en faveur des coupables". Alors l'actrice Adèle Haenel a décidé, il y a quelques mois, que ce qu'elle avait vécu pendant son adolescence devait être raconté, mis sur la place publique. Entre 12 et 15 ans, elle a subi des attouchements et du harcèlement de la part du réalisateur Christophe Ruggia, qui avait alors 36 ans. "Le silence est une immense violence, un bâillonnement", dit-elle. Le hasard a voulu qu'elle croise le chemin de la journaliste de Mediapart Marine Turchi, début 2019. L'actrice a alors raconté son histoire, la journaliste a mené son enquête. Sept mois durant, Marine Turchi a croisé les témoignages, étudié des documents, des correspondances. Christophe Ruggia nie, bien entendu. Et au fond, pour Adèle Haenel, il semble que cela n'ait que peu d'importance. Elle l'assure, sa démarche "est pacifiste". Il ne s'agit pas pour elle "de censurer ou de diaboliser" les violeurs et les oppresseurs. Il s'agit d'écouter les récits des femmes, de les entendre. "Les victimes parlent, c'est la société qui n'entend pas", assure de son côté la journaliste de Mediapart.

Adèle Haenel - Image Mediapart


Adèle Haenel poursuit : "les agresseurs peuvent se raconter toute une histoire romantique autour d'un sujet qui n'est pas du romantisme, qui est de l'oppression, qui broie la vie de tellement de gens, de tellement de femmes". Profondément humaniste, l'actrice est certaine que l'on peut faire autrement en société, que "le réveil est possible". Il faut entendre les récits des femmes, "agiter la responsabilité individuelle de chacun". Pourquoi ne pas faire appel à la Justice? Parce qu'une "violence systémique est faite aux femmes dans le système judiciaire". Quand un seul viol sur dix aboutit à une condamnation en justice, comment y croire ?  Que fait-on des neuf autres femmes qui ont subi non seulement le viol mais doivent encore subir la violence de l'appareil judiciaire pour rien ? La faute est renvoyée sur la victime. "Comment elle était habillée, qu'est-ce qu'elle a fait, qu'est-ce qu'elle a bu, qu'est-ce qu'elle a dit ?" Si on l'a violée, c'est qu'elle l'avait bien cherché, non ? 

Pour Adèle Haenel, la justice doit se remettre en question, tout comme l'ensemble de la société qui doit s'interroger sur ce que c'est que la virilité, le pouvoir. Deux ans après #Metoo, les langues continuent de se délier...

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