lundi 2 mars 2020

On se lève et on se casse !

Et le César de la honte est attribué à... Roman Polanski.
Le week-end est passé et l'émotion suscitée par la cérémonie des Césars de ce 28 février 2020 n'est pas retombée. Et pour cause. A mesure que les médias publient leurs papiers traitant du sujet, on découvre tout un tas de petits détails écœurants, à l'instar de cette déclaration de Fanny Ardant : "J’aime beaucoup Roman Polanski, donc je suis très heureuse pour lui. Après, il faut comprendre que tout le monde n’est pas d’accord mais vive la liberté". Et de poursuivre : "Je suivrai quelqu’un jusqu’à la guillotine, je n’aime pas la condamnation".

"Le problème, c'est peut-être que l'on n'a plus honte de rien, aujourd'hui", glissait ce matin, sur France inter, le journaliste Augustin Trapenard. C'est un problème en effet. On n'a manifestement plus honte de célébrer un homme accusé douze fois de viol, dans le secteur du cinéma. L'actrice française Sara Forestier estime ce lundi qu'on a atteint "un point de non retour après cette cérémonie des Césars". Quant à la romancière Virginie Despentes, elle signe un texte virulent dans Libération ce jour, où elle dénonce les puissants, quels qu'ils soient, jetant dans le même sac les artistes, les politiques, les actionnaires. Elle écrit : "Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ? (...) Votre plaisir réside dans la prédation, c’est votre seule compréhension du style.Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski : vous exigez qu’on vous admire jusque dans votre délinquance". Elle souligne aussi la naïveté du commun des mortels : "bien qu’on sache tout ça depuis des années, la vérité c’est qu’on est toujours surpris par l’outrecuidance du pouvoir. C’est ça qui est beau, finalement, c’est que ça marche à tous les coups, vos saletés".

Adèle Haenel quitte la salle des Césars en criant "la honte".


Certains font toujours mine de ne pas savoir ou de balayer d'un revers de main les histoires de viol dont on accuse Polanski. Alors, pour mémoire, repenchons-nous sur cette interview que le réalisateur avait accordée à Jean-Pierre Elkabbach en 1979 (à visionner ici : Question de temps - 15 octobre 1979). Elkabbach  questionne le réalisateur sur sa "préférence pour les petites filles" et Polanski répond : "je ne l'ai jamais caché, j'étais toujours entouré de jeunes filles". A la même époque que Matzneff, Polanski n'hésitait pas à déclarer face caméra qu'il avait des relations sexuelles avec des mineures. Depuis la publication du livre de Vanessa Springora, la France entière s'est élevée contre l'écrivain Gabriel Matzneff. Et quand il s'agit de Polanski, on ne le ferait pas ? Pourquoi ? Simplement parce que le réalisateur ne s'est pas servi de ses histoires personnelles de viol dans ses films alors que Matzneff les racontait dans ses livres ? Polanski n'a pas fait commerce de sa vie sexuelle, soit. Il n'en demeure pas moins un homme accusé par douze femmes de viols. Et il a reconnu le premier. En 1979, face à Elkabbach, il expliquait même que les Etats-Unis considéraient comme criminels tous ceux qui avaient des relations sexuelles avec des personnes de moins de 18 ans. Et balançait, sûr de son fait : "il faut donc assumer que la plupart de la population est en train de commettre le crime plusieurs fois par jour". Autrement dit, pour lui, il était naturel d'avoir des relations sexuelles avec des mineur(e)s, il s'agissait là de quelque chose de tout à fait courant.

Le monde de l'édition s'est réveillé groggy après la déflagration Matzneff. Celui du cinéma continue de célébrer Polanski en lui accordant le prestigieux et convoité César du meilleur réalisateur. Sara Forestier a raison de parler de "point de non retour" et de dénoncer la loi du silence. Adèle Haenel a eu raison de quitter la cérémonie des Césars à l'annonce de ce prix. Virginie Despentes a raison quand elle écrit que "la différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant"."Votre monde est dégueulasse", ajoute-t-elle. Avant de conclure : "Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse". A l'image d'Adèle Haenel.

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