Quand je pense, est-ce une femme qui pense ou un humain ? Qu'est-ce qui fonde ma personnalité ? Suis-je d'abord et avant tout une femme ? Suis-je qui je suis parce que je suis de sexe féminin ? L'essentialisme et l'existentialisme, ces deux notions de philosophie sur lesquelles travaillait Simone de Beauvoir et selon qui "on ne naît pas femme, on le devient". Dans le Deuxième sexe, elle écrit : "Un homme peut dire à une femme : "Vous pensez une telle chose parce que vous êtes une femme". L'inverse n'est pas vrai : "pas question de répliquer : "Et vous pensez le contraire parce que vous êtes un homme". Pour elle, "il est entendu que le fait d'être un homme n'est pas une singularité; un homme est dans son droit en étant un homme, c'est la femme qui est dans son tort". Pour la philosophe Geneviève Fraisse, se niche là une des principes même de la domination. Dans "Le Privilège de Simone de Beauvoir", dont elle décortique le travail, la pensée et les écrits, elle explique que "l'homme peut oublier et faire oublier son sexe lorsqu'il se place dans le lieu de la pensée. A l'inverse, une femme doit élaborer à la fois le lieu où elle est un sujet et l'espace qui la définit".
Constance Hall |
Bien que l'existence précède l'essence, que l'on est humain avant d'être femme, il faudra continuellement justifier nos actes ou nos idées sous le prisme de notre sexe de femme.
Pire encore si ladite femme a la fâcheuse idée d'avoir des enfants. Dans ce cas, elle sera avant tout une mère. Je reproduis ici une conversation rapportée par la bloggeuse australienne Constance Hall il y a deux ans :
-Joe (on l'appellera Joe mais Constance Hall le nomme autrement) : Tu es mère au foyer.
- Constance : pas du tout.
- Joe : Si, tu n'as pas de travail.
- Constance : Je ne reste pas à la maison toute la journée. Toi, qu'est-ce que tu fais ?
- Joe : Je suis patron de café.
- Constance : Donc tu es un papa patron de café.
- Joe : quoi ?
- Constance : Si le fait d'être père n'a pas volé ton identité, pourquoi la maternité aurait-elle volé la mienne ? Je vais à la plage, j'enseigne la peinture, je prends des cafés, j'adore manger dehors, parmi d'autres choses.
Cela rappelle aussi cette scène délirante sur le plateau de l'émission de Thierry Ardisson où Laurent Baffie soulève la jupe de la chanteuse Nolwenn Leroy et où Ardisson balance : "c'est une maman". (Lire ou relire ici : La télé et l'image des femmes : en finir avec la banalisation des propos et gestes déplacés).
"Le monde étant un monde masculin, les grandes décisions, les grandes responsabilités, les actions importantes relèvent des hommes; la femme vit en marge de ce monde", écrivait Simone de Beauvoir. Constat un peu triste qui date de près de 70 ans maintenant. Depuis, avons-nous tourné la page, attaqué le chapitre suivant ?
Lire aussi :
- Féminisme : qui retiendra-t-on ?
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