"Nous nous sommes installés autour de la table basse pour boire l'apéritif. Nous avons échangé quelques nouvelles et puis, comme toujours, je suis devenue transparente. J'ai l'habitude. A quelques détails près, le scénario est le même. On me pose généralement deux ou trois questions, puis une fois que je dis que je ne travaille pas, la conversation glisse sur quelqu'un d'autre et ne revient jamais vers moi. Les gens n'imaginent pas qu'une femme au foyer puisse avoir une vie, des centres d'intérêt, et encore moins des choses à dire. Ils n'imaginent pas qu'elle puisse prononcer plusieurs phrases sensées au sujet du monde qui nous entoure, ni être en mesure de formuler une opinion. Tout se passe comme si la femme au foyer était, par définition, assignée à résidence et que son cerveau, ayant souffert d'avoir été trop longtemps privé d'oxygène, fonctionnait au ralenti. Les invités découvrent d'ailleurs avec une certaine crainte qu'ils vont devoir supporter à leur table une personne retirée du monde et de la civilisation, et qui, en dehors des sujets purement pratiques ou domestiques, ne pourra prendre part à aucune véritable conversation. Assez vite, donc, je suis exclue de l'assemblée. On ne m'adresse plus la parole et, surtout, on ne me regarde plus. Le plus souvent, je me laisse absorber par la peinture des murs ou les motifs du papier peint, je suis les lignes de fuite et je disparais".
Delphine de Vigan |
Ces mots sont ceux de la brillante Delphine de Vigan, dans son roman Les loyautés, paru l'an dernier (chez JC. Lattès, ndlr). Evidemment, ces lignes font écho à mes yeux. Ils me renvoient à tous ces témoignages que j'ai pu glaner au fil des années, toutes ces femmes qui m'ont raconté leur chemin de vie et expliqué comment elles se sentaient dans leur rôle de femme au foyer. Je vous invite à lire ou relire quelques-uns de ces témoignages :
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