mardi 10 mars 2020

La masculinité sur les bancs de l'école

Comment se comportent les enfants à l'école ? Qu'attend-on d'eux et quelles réactions les adultes ont-ils face aux comportements des enfants ? Selon que l'on est un garçon ou une fille, les attentes des adultes sont différentes. Plus exactement, tous les représentants de l'enseignement attendent des élèves qu'ils soient sages, respectueux, disciplinés, attentifs. Et pourtant, qu'en est-il dans les faits ? Dans une étude publiée aux Presses de Sciences Po en 2010 (étude à consulter ici : Structure de gestion de la construction culturelle des sexes pour les enfants de l'école élémentaire), Sophie Ruel observe des attitudes extrêmement différentes entre les garçons et les filles, à l'école primaire. Ses constats sont tellement diamétralement opposés selon qu'elle décrit les filles ou les garçons que l'on frôle la caricature. Les filles sont décrites comme étant dans une attitude généralement "scolaire", elles sont sages, discrètes, lèvent le doigt pour prendre la parole, quand les garçons sont montrés comme indisciplinés, bruyants, ne tenant pas en place et parfois même arrogants et moqueurs. Les enfants questionnés par la chercheuse livrent des témoignages édifiants :
- Anna, 8 ans : « Même si on lève le doigt, on n’est pas interrogées car la maîtresse sait qu’on travaille mieux que les garçons alors elle préfère les interroger eux. » 
- Léa, 6 ans : « La maîtresse, des fois, elle me demande d’aider des garçons qui y arrivent pas. Mais, moi, y a jamais de garçons qui viennent m’aider quand j’y
arrive pas. C’est toujours mes copines. » 
- Jonas, 7 ans : « Des fois, y a des filles qui viennent m’aider à des leçons car c’est la maîtresse qui leur a demandé, moi, je les dégage direct. Et pas question non plus d’aller aider les filles quand elles y arrivent pas même si la maîtresse
me le demande, mais elle me le demande jamais et aux gars non plus.
Sauvé ! » 
- Thomas, 10 ans : « En cours, on doit rester assis sans bouger, c’est l’horreur. »



Sophie Ruel écrit : "Par une activité tant langagière que gestuelle, les garçons créent plus d’indiscipline. Le chahut, l’insolence (usage de mots grossiers, envoi de boulettes de papier, grimaces derrière le dos des enseignants), la dégradation du matériel (écritures sur les tables), les portables non éteints, les retards en classe, les tricheries lors de contrôles ou encore les courses dans les couloirs, que nous avons pu observer à plusieurs reprises, nous ont permis de constater que ce sont les garçons qui se rendent majoritairement coupables d’inconduites scolaires". La socialisation masculine ne serait pas en adéquation avec les exigences scolaires. La discipline de certains garçons serait presque considérée par leurs pairs comme un manquement à la masculinité, une atteinte à leur genre. Pour appartenir au groupe, il faut se conformer à ses codes et donc, quand on est un garçon, chahuter, ricaner, être bruyant...

A l'inverse, les filles qui ne se comporteraient pas selon leur genre et emprunteraient certains codes jugés masculins pour s'imposer en classe - chahuter, prendre la parole sans avoir levé le doigt, par exemple - seraient plus sévèrement traitées par les enseignants que les garçons agissant de la même manière parce que de tels agissements ne correspondent pas à ce que l'on attend généralement de la part des filles. Les filles, c'est bien connu, doivent être compliantes, bien élevées et discrètes. Ce qui me rappelle Capucine, rencontrée il y a un an, la discrète et étonnante Capucine, passée inaperçue au milieu de 28 adolescents : Toutes les Capucine du monde méritent qu'on les écoute

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