mardi 12 novembre 2019

Le deux poids, deux mesures du monde du cinéma : Ruggia dénoncé, Polanski protégé

Roman Polanski sort "J'accuse" sur les grands écrans. Il raconte l'affaire Dreyfus, cette histoire d'un homme accusé à tort. Cet été, le réalisateur a osé souligner le parallèle entre cette affaire Dreyfus et sa propre histoire. 42 ans après les faits, il continue de nier avoir violé Samantha Geimer, alors âgée de 13 ans. 

Et voilà qu'aujourd'hui, à la faveur de ce film, une française, la photographe Valentine Monnier accuse à son tour le réalisateur de l'avoir violée en 1975. Elle était alors âgée de 18 ans. Valentine Monnier n'a jamais porté plainte, pas même au moment de l'affaire Samantha Geimer, ce que cette dernière semble aujourd'hui lui reprocher. Mais elle juge aujourd'hui nécessaire de parler, comme Adèle Haenel la semaine dernière contre le réalisateur Christophe Ruggia (lire ou relire : "le silence est une immense violence"). Evidemment, là encore, Polanski nie.


Curieusement, autant les levées de boucliers ont été immédiates et nombreuses contre Christophe Ruggia à partir du moment où Adèle Haenel a parlé, autant quand il s'agit de Roman Polanski - et alors qu'au fil des ans, plusieurs femmes ont dénoncé ses agissements - les réactions sont bien moins évidentes. Voire, le réalisateur bénéficie de soutiens. Ainsi, on retiendra que le réalisateur Costa-Gavras, milite, s'agissant de Polanski, pour un pardon, de même que Catherine Deneuve. Tiens donc ! La semaine passée, sur Mediapart, l'universitaire Iris Brey, spécialiste de la représentation des genres dans le cinéma, faisait un brillant plaidoyer contre cette idée qu'au cinéma, il faudrait de l'avis de certains - Costa-Gavras et Deneuve entre autres, a priori - "séparer l'oeuvre de l'artiste" ( à voir ou à revoir ici : Iris Brey : "on n'est qu'au début de #MeToo"). Dans le cas Polanski, le monde de la culture n'aurait de cesse d'oublier les violences dont on l'accuse, parce que quand même, ses œuvres cinématographiques sont d'une telle importance ! Peu importeraient ses agissements dans sa vie privée, tant qu'il continue de réaliser des films de qualité. Autrement dit, à ce stade, Polanski bénéficie toujours d'une forme d'immunité consternante.


Valentine Monnier


Que dire aussi de ces acteurs qui acceptent de tourner avec lui ? Que penser de Jean Dujardin, à l'affiche de ce "J'accuse" qui, il y a quelques jours, dans les colonnes du magazine Elle, déclarait : "Je suis né d'une femme, je vis avec une femme et je viens d'avoir une fille. Mon idée de la femme ne va pas sans celle de son respect. Mais être obligé de le dire c'est être suspect. C'est fatigant" ? Que dit-il à Polanski au sujet dû respect dû aux femmes ? Si sa fille devient actrice un jour, la laissera-t-il dans les mains d'un Polanski ? S'il est un fervent défenseur des femmes, pourquoi accepter de tourner avec un Polanski ? Ce pauvre homme est fatigué... Samantha Geimer et Valentine Monnier apprécieront.

Les hommes qui ferment les yeux - de même que les femmes, telles que Catherine Deneuve - sur ces agissements; ceux qui, en toute connaissance de cause, font comme si de rien n'était, prônent le pardon, ont une part de responsabilité énorme dans le climat ambiant. Et s'il faut procéder à une chasse aux sorcières, dans le milieu du cinéma ou n'importe quel autre, pour débusquer ces hommes pervers et cruels, alors faisons-le. En ce qui me concerne, je vais commencer par ne pas aller voir "J'accuse", quand bien même ce film serait un chef d'oeuvre.

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