Dans la France de 2019, il se passe des choses étranges... Sous couvert de liberté d'expression, nombre de personnalités se prennent les pieds dans le tapis et prononcent des phrases dans les médias d'une violence inouïe. Recherche d'audimat pour la chaîne, volonté de faire parler de soi, incapacité à s'exprimer autrement qu'en rentrant dans le lard de la personne avec qui vous êtes en train d'échanger... tout ceci mis bout à bout a pour conséquence une chute vertigineuse de la qualité des échanges dans le pays supposé des Lumières.
Hier soir sur LCI, David Pujadas animait un débat, La grande confrontation, sur un sujet "fou" : la liberté d'expression. Il y a été question d'homophobie, des violences faites aux femmes, du port du voile, etc. Sur le fond, pourquoi pas. Si ce n'est que, comme c'est désormais monnaie courante à la télévision, on y invite à s'exprimer des personnes aux idées plus que tranchées, à la langue bien pendue. De débat, on bascule très vite dans le pugilat. Il ne s'agit plus d'échanger des idées, mais d'en mettre plein la tronche de la personne d'en face. Il ne s'agit plus de permettre aux uns et aux autres d'élever le niveau de débat en France, mais de faire tout ce qui est possible pour favoriser le "tribunal du tweet" (copyright de l'expression : l'avocat Emmanuel Pierrat). Si chaque petite séquence de l'émission peut déclencher des échanges sur les réseaux sociaux, que ce soit en bien ou un mal, alors c'est gagné. Quel serait l'intérêt d'un débat convenu et poli ? Les téléspectateurs iraient se coucher, la twittosphère aussi. Il faut donc du buzz, il faut déclencher les passions et les haines. Ce que le journaliste Philippe Val a bien compris. Participant à cette émission, il explique : "Nous avons perdu la culture du débat. Nous sommes sur des positions morales et ces positions sont inconciliables". Pour lui, il y a d'un côté le bien, de l'autre mal et ces deux positions ne se parlent plus et ne sont plus en mesure de s'écouter.
Alain Finkielkraut |
De fait, mettez un Alain Finkielkraut en face de la féministe Caroline de Haas et vous comprendrez en deux minutes que ces deux personnes ne sont pas en mesure d’échanger sinon sereinement, au moins poliment. Et c'est ainsi qu'en deux temps, trois mouvements, le "philosophe" prend fait et cause pour Roman Polanski en considérant que ce dernier est au-dessus de tout soupçon et que, quelques dizaines de minutes plus tard, pensant peut-être qu'il aurait ainsi le dernier mot et ferait taire les femmes assises face à lui, il balance : "Je dis aux hommes "violez les femmes". D’ailleurs je viole la mienne tous les soirs". David Pujadas parle de second degré pour défendre cet homme. Mais quand même, il s'agit d'un académicien, d'un intellectuel - soit disant -, d'un homme qui trouve un micro tendu devant lui en permanence. D'où vient ce besoin de parler si violemment ?
Il ne se passe plus une semaine désormais sans son scandale médiatique où l'on prône la violence sous toutes ses formes. Quid de la bienveillance, de la tolérance, de l'esprit d'ouverture ? Quid de la liberté, de l'égalité et de la fraternité que l'on continue d'afficher sur les frontons de nos mairies sans que l'on n'en trouve plus une once au quotidien ? D'où vient cette manie de jeter de l'huile sur le feu en permanence, pour faire le buzz ? Sauf erreur de ma part, à ce jour, on comptabilise 132 femmes assassinées en 2019 en France par leur conjoint ou ex-conjoint. Le ministère de l'Intérieur avance le chiffre de 250 viols enregistrés chaque jour dans notre pays. Et des pseudos-intellectuels en sont encore à faire du "second degré" sur le viol ? C'est ça la liberté d'expression que l'on revendique ? Aujourd'hui, il semble que David Pujadas ne soit pas repentant. Il ne revient pas sur les propos tenus par Finkielkraut mais affiche son enthousiasme et sa fierté :
On précisera que des actions sont d'ores et déjà entamées auprès du CSA pour dénoncer les propos tenus au cours de l'émission.
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