vendredi 11 octobre 2019

Violences faites aux femmes et communication : ce que nous a raconté la semaine écoulée

Ces derniers jours, plusieurs personnes m'ont contactée pour la même info : une chaîne de fast-food belge diffuse une publicité violente à l'égard des femmes. Un homme frappe une femme parce qu'elle ne lui a pas apporté le burger qu'il souhaitait. C'est supposé être drôle ?



Des centaines de plaintes ont d'ores et déjà été enregistrées, dénonçant cet infâme message. Evidemment. L'entreprise visée, qui a retiré sa publicité, plaide l'innocence, l'humour bas du front. On a du mal à y croire. Comment, en 2019, compte tenu de ce qui s'est passé depuis quelques années, peut-on penser qu'une telle publicité est susceptible de faire rire ? Comment, quand la planète se réveille sur le sujet mondialement partagé des violences faites aux femmes, peut-on, l'espace d'un instant, estimer que cette publicité sera bien perçue ? Et s'excuser platement, façon "on n'a pas fait exprès" ?

Il ne faut jamais sous-estimer la puissance du marketing et du storytelling. Que se passe-t-il depuis le lancement de cette image publicitaire ? Qui connaissait en France ou au Royaume-Uni, par exemple, la chaîne de fast-food belge Bicky Burger ? Vraisemblablement peu de monde. Cette publicité présente ce mérite-là : parce qu'elle offusque largement, elle met en lumière cette chaîne de fast-food. Dans les médias français et britanniques, depuis le début de la semaine, on parle de cette entreprise que nous ne connaissions pas. Parce que cette image nous a choqués, nous nous en rappellerons. Désormais, la marque Bicky burger s'est imprimée dans notre mémoire. Avec un peu de chance, cette publicité permettra même d'augmenter les ventes de leurs hamburgers. 

Peu importe que ce soit en bien ou en mal, l'important, c'est que l'on parle de vous. Si l'on parle de vous, c'est gagné. Les storytellers de Bicky burger sont peut-être les mêmes que ceux de Zemmour, après tout. Autrement dit : on ne peut pas croire un instant que les communicants de Bicky burger ont innocemment cru que la pub passerait comme une lettre à la poste, ni qu'elle ferait sourire. A une période où pleuvent les actions militantes contre les violences faites aux femmes, où l'on dénombre quotidiennement les femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, il est impensable de croire que chez Bicky burger, on ne voyait pas le mal qu'il y avait à promouvoir la violence intra-familiale. 

118. C'est le nombre de féminicides recensés en France depuis le début de l'année 2019. Le week-end dernier, dans un cimetière parisien, une centaine de militantes Femen défilaient, grimées, pour dénoncer cet état de faits. "Plus écoutées mortes que vivantes", dénonçaient-elles, fustigeant l'absence de moyens et d'engagements de l'Etat sur le sujet. Là encore, il s'agit de communication, mais d'une communication puissante, qui marquera les esprits, utilisant un symbolisme fort - elles marchent, à moitié nues, dans un cimetière, en silence, elles ont peint leur corps...

Les Femen à Paris, photo Lucas Barioulet / AFP

Depuis, ce jeudi 10 octobre, une poignée de députés débattaient en séance publique autour d'une proposition de loi du républicain Aurélien Pradié sur le sujet (lire le texte de sa proposition de loi ici : Proposition de loi visant à agir contre les violences faites aux femmes). Le vote solennel aura lieu mardi prochain et l'on souhaite que l’hémicycle soit bien plus rempli qu'il ne l'était hier. Car franchement, aussi volontaire que soit Aurélien Pradié sur le sujet, sa proposition de loi mériterait d'être votée largement et non par une petite dizaine d'élus de la République. La trop grande absence dans l'hémicycle le 15 octobre prochain témoignerait un peu trop violemment du peu de cas que l'on fait des féminicides. Dans la vidéo ci-dessous, vous constaterez combien il s'en est fallu de peu que le rapporteur de la proposition de loi ne parle dans le vide, tant les députés brillent par leur absence. Pour le coup, en matière de communication, l'image que ses absents renvoie est effarante.



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