jeudi 5 juillet 2018

Violences domestiques : comme un goût de trop-plein

Les violences sont partout. Singulièrement, celles faites aux femmes. Allumez votre poste de radio ou de télévision et vous n'entendrez cette semaine parler que de l'affaire Alexia Daval, ce fait divers qui n'en finit pas de rebondir, toujours plus sinistre  et désespérant.
On en oublie presque de prendre des nouvelles de Houria, cette jeune femme poignardée il y a quelques jours par son ex-mari et qui se trouve "entre la vie et la mort" depuis. Les faits divers de ce style remplissent les pages de la presse régionale tandis que l'on découvre, avec stupeur, que selon une étude menée au Royaume-Uni en 2014, le taux de violences conjugales augmente de 26% lorsque l'équipe nationale de football gagne ou fait match nul et de 38% lorsque cette même équipe perde. Le football, ça rend violent, donc. Flippant...

Visuel National Centre for Domestic Violence, 2018, UK

Toutes ces infos me ramènent à ma lecture de moment : la saga L'Amie prodigieuse de l'italienne Elena Ferrante. Je sais, je suis à la bourre. Tout le monde a déja lu ce phénomène de librairie dont le premier tome est paru en 2011. A la bourre, vous dis-je ! Evidemment, comme tout le monde, je suis accro. Mais je me soigne : entre chaque tome, j'alterne mes lectures avec des essais féministes. Trop peur de finir cette série dans le même état qu'à la fin de la saga des Harry Potter il y a 20 ans, à ne plus savoir vers quel auteur me tourner sans trouver ses écrits fades et sans intérêt. Bref ! Pour ceux qui l'ignorent, l'histoire de cette série de livres se déroule en Italie, à Naples en majeure partie et l'on y suit deux personnages féminins, depuis leur enfance. Il y est question de tentative d'ascension sociale, d'émancipation féminine, et chemin faisant, on s'immisce dans la vie à l'italienne dans les années 50 et 60. L'écriture est brillante et la violence omniprésente, en trame de fond, et par moments, décrite carrément. La narratrice écrit ainsi : "Depuis l'enfance, nous avions vu nos pères frapper nos mères. Nous avions grandi en pensant qu'un étranger ne devait pas même nous effleurer alors qu'un parent, un fiancé ou un mari pouvaient nous donner des claques quand ils le voulaient, par amour, pour nous éduquer ou nous rééduquer"

L'Amie prodigieuse, Elena Ferrante, Folio n°6052

"Par amour, pour nous éduquer ou nous rééduquer"... Est-ce pour cela qu'Alexia a été assassinée, Houria poignardée ? Est-ce dans cet esprit que les femmes des supporters de foot se font tabasser les soirs de match ? Par amour ? Vraiment ? On frappe par amour ? On tue par amour ? On (ré)éduque ainsi ?

Ce questionnement renvoie aux actions d'associations féministes qui, à la suite de la mort de Marie Trintignant, n'ont eu de cesse de pointer les titres d'articles de presse, relatifs à cette actrice et à toutes les victimes de violences conjugales, qui affichaient l'amour et la passion comme autant d'excuses aux violences. Ainsi, peut-on toujours lire des titres du style : "la dispute amoureuse tourne mal"; "l'amant éconduit frappe la jeune femme"; "drame passionnel : ils avaient tout pour être heureux"; "de l'amour, de l'alcool et des bleus"; "Elle refuse ses avances: il la tabasse"... L'amour justifierait les violences ?

Selon le réseau Encore féministes, aussi longtemps qu'il le faudra !, 3 femmes meurent tous les 15 jours en France du fait des violences domestiques masculines.

Lire aussi :
- Orelsan, la violence et la planche à billets
- The power : le roman dans lequel les femmes dominent le monde
- Tu seras un homme, mon fils
- Zone grise : elles n'ont pas dit non. Mais elles n'ont pas dit oui non plus.

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