mardi 4 décembre 2018

Ada Hegerberg, de la symbolique aux clichés

Good news ! Désormais, le football met à l'honneur le talent de ses joueuses. Ainsi, pour la première fois de l'histoire, ce 3 décembre 2018, la norvégienne Ada Hegerberg, qui évolue à l'Olympique lyonnais, s'est vue remettre un Ballon d'or. C'est donc le début d'un nouveau regard sur le football féminin, une forme de reconnaissance tout autant qu'un symbole.

Mais le diable se cache dans les détails et cela gâche un peu ce qui s'annonçait comme un nouvel élan. Dès l'annonce de la création de ce prix, on ne retenait que ça : "Ca y est, l'égalité est en bonne voie, les femmes aussi auront leur ballon d'or". Peu importait qui aurait le prix, tant que ce prix allait exister, au fond. Et force est de constater que depuis hier soir, c'est bien ce qui se passe : que ce soit Ada Hegerberg ou Marcelle Dugenou, tout le monde s'en tamponne. Ce qui compte, c'est que le prix existe. Qu'il ait été remis. Point.

On ne le dira jamais assez, les rôles-modèles sont essentiels. C'est génial que désormais, une joueuse de football soit primée comme le sont les joueurs masculins depuis des dizaines d'années. C'est génial que l'on montre aux petites filles qu'elles peuvent prétendre à une carrière de footballeuse si c'est ce dont elles rêvent. Mais pourquoi est-ce Ada Hegerberg que l'on a choisie hier et non Marcelle Dugenou ? Mystère ! Je ne doute pas que cette jeune joueuse soit bourrée de talent. Mais depuis hier, qui a parlé de ce talent ? Qui a expliqué pourquoi c'est elle et non Marcelle Dugenou qui est repartie du Grand Palais, où se tenait la cérémonie, avec ce trophée ? Qui a parlé des autres femmes qui pouvaient prétendre à ce titre ? Ce que disent les médias depuis hier, c'est qu'une femme a reçu pour la première fois le sacro-saint ballon d'or. On nomme cette femme, on dit éventuellement dans quelle équipe elle joue, mais on ne dit rien de ce qui la distingue des autres joueuses. On ne parle pas de sa carrière. L'info qui compte est simplement celle-ci : Ada Hegerberg est la première femme à se voir remettre un Ballon d'or.

Ada Hegerberg


Le journal L'Equipe a quand même traité le sujet, il ne pouvait en être autrement. Il a évoqué le nombre de buts marqués par Ada Hegerberg, c'est vrai. Mais c'était de suite pour la placer dans le sillon des garçons. De suite, on lui demande si ses modèles sont Lionel Messi et Cristiano Ronaldo (lire son interview ici : "Une grande journée pour le football féminin"). Les hommes, toujours les hommes.

Ada Hegerberg a cependant bien compris la symbolique de son prix, et dans son discours, elle s'est adressée aux petites filles de par le monde, les enjoignant à croire en elles. Rôle-modèle, elle l'est donc désormais, elle le sait et semble-t-il, l'assume. Mais, et c'est le second signal en demi-teinte de la soirée d'hier, il aura tout de même fallu qu'un balourd du nom de Martin Solveig lui rappelle cela : elle est une femme !

Martin Solveig est DJ. Il était en charge de l'animation de la soirée de remise de ces Ballons d'or. Il a mis la musique préférée de certains joueurs, il a fait danser Kylian Mbappé et, quand ce fut le tour de Ada Hegerberg, il n'a pas trouvé mieux à faire que de lui demander si elle savait twerker. Pour les néophytes, le twerk est une danse hyper physique et surtout hyper sensuelle et suggestive (voir vidéo ci-dessous). Mettez une jeune femme sur une scène face à un parterre de messieurs et demandez-lui de montrer ce qu'elle sait faire avec son bassin... Malaise.
Martin Solveig a compris son erreur et après la soirée, s'est semble-t-il excusé auprès de la footballeuse. Dont acte. Mais il n'aurait jamais demandé à un homme de danser ainsi. Pourquoi le fait-il avec elle ? Comment ne comprend-il pas que les femmes ne peuvent plus être réduites ainsi à des objets sexuels ? Comment altérer en deux secondes la symbolique importante qu'est ce Ballon d'or remis à une femme ? Dommage...






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