Etre parent aujourd'hui, est-ce différent de ce qu'ont connu les parents de la génération précédente et pourquoi ? Depuis 25 ans, évidemment, le monde a changé, les priorités, le savoir-vivre en société, les modes de communication, l'alimentation, les activités, les loisirs, l'éducation... Il est indéniable que tout a muté. Et donc, nécessairement, être parent aujourd'hui n'a que peu à voir avec ce que c'était à la fin du siècle dernier.
C'est une conversation que j'ai de façon assez fréquente avec ma mère qui observe que nous, ses enfants, ne lui demandions pas sans arrêt de jouer avec nous. Elle ne s'inquiétait pas non plus, quand nous étions seuls à la maison ou lorsque nous enfourchions notre vélo pour aller partager des aventures d'enfants avec nos amis. Nous vivions notre vie d'enfants sereinement, sans stress. Et il ne nous est jamais rien arrivé. C'est comme si, au fond, mes enfants évoluaient dans un monde totalement différent de celui que j'avais connu étant petite. Comme si plus rien n'était comparable.
Dans un article publié sur Slate, l'auteure américaine Rebecca Onion remarque que les parents d'aujourd'hui se posent des tonnes de questions qui n'effleuraient pas ceux de la génération précédente. Elle rapporte ainsi les propos de son oncle qui lui dit : «Aucun de nous n'était du genre à s'inquiéter outre mesure et notre parentalité était davantage naïve qu'hasardeuse». Et elle ajoute : "Mes cousins partaient à l'école avec leur déjeuner dans un sac en papier
et non pas dans des boîtes à bento étanches et tout s'est bien passé".
En ferions-nous trop ?
C'est vraisemblable. Car non contents de nous inquiéter pour nos chères têtes blondes à propos de ce qu'ils mangent, de leurs résultats scolaires, de leur condition physique, de leur avenir, ou de leur santé, on a aussi développé tout un arsenal visant à les stimuler dès le plus jeune âge, développer leur curiosité. On rivalise d'ingéniosité ou de bons plans pour leur assurer des fêtes d'anniversaires mémorables avec leurs amis, on remplit leurs mercredis et leurs vacances d'activités épanouissantes et riches... Et parfois, cela ne semble pas assez. Ils vous disent qu'ils s'ennuient. Alors on cherche la parade, on leur trouve quelque chose à faire. "Car un enfant qui ne s’ennuie pas est un enfant qui ne fait pas de bruit", écrit Gaëlle Renard dans Marie-Claire (lire : De l'importance de laisser les enfants s'ennuyer). Qui ne fait pas de bruit ou en tout cas qui ne vous dérange pas. Et pourtant, on le sait d'instinct et cela a été prouvé : l'ennui stimule la créativité, favorise l'imagination. Cela vaut pour les enfants, mais aussi pour les adultes. Il importe que nous lâchions prise.
Poussée à l'extrême, la réflexion autour de ce trop-plein d'activités laisse entrevoir une forme de peur du vide. Que se passe-t-il quand il n'y a rien ? Doit-on nécessairement remplir ce "rien"? Qu'en fait-on ? Cela va avec cette réflexion du philosophe Thomas Schauder qui écrivait il y a quelques jours dans les colonnes du Monde (Achète-t-on des choses en promotion pour combler notre peur du vide ?). Pour lui, nous sommes comme entrés dans une spirale infernale en matière de consommation. "Nous travaillons à fabriquer des produits dont personne n’a besoin. Et ce travail nous sert à acheter ces mêmes produits", observe-t-il. "Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi existe-t-il un « support pour lunettes en bois de rose » plutôt que… rien ?" C'est vrai, est-ce qu'on a vraiment besoin d'un support à lunettes ? Et de suggérer que "le "rien" nous angoisse". Nous avons peur du vide. Cet article, le philosophe l'a publié au moment du fameux Black Friday, cet évènement commercial auquel personne n'a pu échapper. Alors il questionne : "Quand était-ce la dernière fois que vous n’avez rien fait ? Ou que vous vous êtes retrouvé dans le vrai silence ? Pourquoi avons-nous tellement peur de manquer la
bonne affaire, de manquer la dernière actualité, notre carrière, notre
vie ? Quel est ce vide que le « Black Friday » vient combler ?"
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