lundi 7 février 2022

De l'usage des articles définis et indéfinis

A l'heure où les sondages fondent la pensée politique, à l'heure où les stéréotypes et les généralités servent les idées les plus délirantes, à l'heure où la caricature déforme plus que jamais le réel, un peu de grammaire ne fait pas de mal. La langue française se caractérise non seulement par une richesse incontestable de son vocabulaire mais aussi par une finesse qui devrait permettre d'éviter toutes les outrances. 

Utiliser l'article défini "les" en lieu et place de l'article indéfini "des" ruine tout espoir de justesse dans le propos. Balancer des phrases à l'emporte-pièces telles que "les Français sont opposés à l'obligation vaccinale", par exemple et pour utiliser un thème de notre époque, est une aberration. Car non, 100% de la population française n'est pas opposée à une obligation vaccinale. Une juste phrase serait : "des Français sont opposés à...". Oui, mais voilà : "des" est trop flou, pas assez précis. Alors quitte à ne pas être précis, on préfère enfoncer le clou en utilisant l'article défini, même si c'est un mensonge. Vous pouvez trouver d'autres exemples à la pelle dans la campagne électorale, à l'instar de ce fameux : "les Français considèrent que l'immigration est la priorité de la campagne" au lieu de : "des Français..." 


Ce mésusage grammatical et ce mensonge sémantique apparaissent par ailleurs en contradiction avec cette manie de ranger continuellement les autres dans des cases, qui, par définition, sont donc des "tiroirs" aux conditions d'accès plutôt précises. Ces cases permettent de juger, quel que soit le thème envisagé : les enseignants seraient comme ceci ou comme cela, les membres de la délégation française aux JO seraient ceci, les homosexuels seraient cela, les politiques seraient ainsi, les femmes ne sauraient pas lire les cartes routières, les filles seraient sages et discrètes et les garçons bagarreurs et bruyants, etc. On classifie comme on veut, selon le propos que l'on envisage de traiter et on généralise à gros trait par l'utilisation d'un article défini - "les" -, ce qui permet de décrire globalement la classe dont on parle, sans s'encombrer de subtilités.

On ne le dira jamais : la caricature et les stéréotypes peuvent être combattus facilement, pour peu que l'on réféléchisse avant de parler, pour peu que l'on utilise les bons mots aux bons endroits, pour peu que l'on s'attache à exprimer précisément ce que l'on pense. Utiliser abusivement un article défini tend à créer des tensions là où il ne devrait pas y en avoir. Ainsi, non, les hommes ne sont pas des violeurs mais des hommes sont des violeurs. Les mots ont un sens, les articles comme les autres.


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