jeudi 27 janvier 2022

Le point médian, l'arbre qui cache la forêt de l'écriture inclusive

Hier soir, j'ai regardé "La grande librairie". Ca m'arrive périodiquement, quand j'ai besoin d'une bouffée de littérature et de goût des mots. Tonino Benacquista était invité pour parler de son nouveau livre - "Porca miseria" -, donc je pouvais difficilement résister. 

Bref, ce n'est pas le sujet. Car ce n'est pas de Benacquista qu'il va s'agir ici. Mon propos concerne les linguistes Bernard Cerquiglini et Aurore Vincenti. Je ne connaissais ni l'un ni l'autre, bien que je sois depuis longtemps, sinon passionnée, au moins très attirée par la linguistique, au point d'avoir passé, en un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, avec délice, une licence de sciences du langage. Mais je m'égare. 

La linguistique, donc. Je ne suis pas sûre que François Busnel l'avait vraiment prémédité car ce n'était le propos d'aucun des ouvrages présentés pendant l'émission d'hier mais il a été longuement question de la féminisation de la langue française. Et ce qui devait arriva, c'était écrit d'avance. Quand Aurore Vincenti plaide pour une langue en éternel mouvement et suffisamment riche pour assumer une féminisation salutaire, ou à tout le moins une "démasculinisation de la langue" - en utilisant par exemple "iel" ou encore "toustes", en employant quand c'est possible des adjectifs épicènes, en faisant appel à un vocabulaire plus étendu -, Bernard Cerquiglini enferme le débat en montrant du doigt le point médian. Aurore Vincenti a beau rappeler que le point médian n'a vocation qu'à être utilisé dans les formulaires administratifs par exemple, qu'il n'y a pas lieu de l'employer en littérature - à moins que ce ne soit un choix d'écriture particulier - Bernard Cerquiglini ne retient quasiment que cela. Pour lui - et pour François Busnel aussi, semble-t-il-, l'écriture inclusive serait essentiellement représentée par ce point médian. 

Quand on rejette une évolution, on montre du doigt l'aspect qui dérangera le plus. On multiplie alors ses chances que l'évolution ne se produise pas. Réduire l'écriture inclusive au point médian, c'est nier les possibilités qui nous sont offertes de démasculiniser la langue, c'est réduire la langue à quelque chose d'étriqué et partant, de non-inclusif. Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. C'est un peu ce que l'on peut observer dans les débats autour de l'écriture inclusive. Faire un focus sur ce satané point médian, c'est nier toutes les possibilités que l'on a de faire bouger la langue. Et c'est nier la richesse de la langue française qui permet de contourner les difficultés.

 

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