mardi 1 septembre 2020

Julien voulait voir les seins de Salomé

Nous l’appellerons Salomé.

Salomé a 13 ans. Elle est en 4è dans un collège rural. Tout va bien pour elle. 

Un jour, elle reçoit via Instagram un message d'un inconnu qui lui demande des photos d'elle nue. Elle décide de ne pas y prêter attention. Elle ne connaît pas ce pseudo. Oui mais voilà, les jours passant, elle reçoit de nouveaux messages de cette personne, de plus en plus pressants, insistants. Jusqu'à ce que cette personne dérape et lui dise qu'il sait où elle habite, quel bus elle prend. Il lui dit qu'il va venir et la violer. Salomé prend peur et en parle à ses parents. Il n'est pas question de laisser passer ça. Une plainte est déposée à la gendarmerie.

Quelques semaines plus tard, alors que Salomé a continué de recevoir des messages, le verdict tombe : l'agresseur est démasqué. Il s'agit de Julien, un garçon qui était dans la classe de Salomé l'année précédente, avec qui elle n'est pas particulièrement amie mais qu'elle apprécie toutefois. C'est un garçon bien élevé, qui ne fait jamais parler de lui. Comment peut-il être l'auteur de ce harcèlement ?


 

Quand il a commencé à envoyer des messages à Salomé, Julien venait juste d'avoir un téléphone. Avec ses copains, très vite, un défi a été lancé : ce serait à celui qui récupérerait le plus vite une photo des seins d'une fille du collège. Julien s'est empressé de jouer le jeu et a aussitôt pensé à Salomé. L'enquête révélera qu'il avait envoyé des messages à d'autres adolescentes de l'établissement. Pris à son propre piège - Julien se sentait inatteignable, caché derrière un pseudo - , le jeune garçon a foncé tête baissée dans ce qu'il a cru être un jeu. L'excitation aidant, ses mots sont allés au-delà de tout. Menacer Salomé de viol dépassait l'entendement.

Salomé a été soulagée de découvrir que c'était lui, l'auteur des messages à caractère sexuel. Elle ne se sentait pas menacée par ce garçon qui ne l'impressionne pas, alors qu'elle l'était évidemment quand il était caché derrière son pseudo. Ils sont toujours dans le même établissement scolaire, ils se croisent mais ne se parlent pas. Elle dit qu'elle ne lui en veut même pas. Elle ne lui veut pas de mal, elle aurait même presque pitié de lui. Son histoire à elle s'achève ici. Elle n'est plus menacée, elle a repris une vie normale. Elle veut oublier cette histoire, elle ne veut plus en parler, elle dit qu'elle a fait le tour de la question.

Pour Julien, les choses sont différentes. Bien entendu, il n'a plus de téléphone. Mais surtout, il a désormais un casier judiciaire, il est désormais connu comme harceleur, agresseur sexuel, même si la famille de Salomé a retiré sa plainte. Il sait qu'à partir de maintenant, il doit avoir une conduite irréprochable. Et même si Salomé et sa famille n'ont pas ébruité l'affaire, ce genre d'histoires finit par se savoir. Il n'aura vraisemblablement pas une vie amoureuse facile dans les toutes prochaines années... Cela pour un pari stupide entre garçons, pour s'être pris au jeu bêtement, sans tenir compte du mal causé, en imaginant que caché derrière son pseudo, il ne serait pas démasqué et qu'il n'y avait pas de mal à demander des photos de ses copines nues... 

Que se serait-il passé si Salomé avait cédé, si elle lui avait envoyé une photo de sa poitrine ? Qu'en aurait-il fait ? Que serait-il arrivé à Salomé ?

Des histoires de ce type arrivent tous les jours. Des histoires où des garçons se sentent tout puissants et imaginent qu'ils ont un droit sur le corps des filles. Des histoires de pouvoir d'un sexe sur l'autre, y compris dans des familles au-dessus de tout soupçon, y compris chez des adolescents que l'on jurerait adorables et dignes de confiance. 


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