jeudi 17 janvier 2019

Les femmes, forcément des "salopes", des "putes" ou des "connasses"...

On sait décrire le racisme, on sait le mesurer, l'étudier, l'analyser. Il en est de même pour l'antisémitisme. Mais en matière de sexisme, à ce jour, aucune étude d'envergure n'avait été réalisée. Le rapport publié aujourd'hui même par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) est à ce titre exemplaire. Cet état des lieux du sexisme en France sera désormais annuel, ainsi que le prévoit la loi du 27 janvier 2017 portant sur l'égalité et la citoyenneté.


Le constat du HCE est sans appel : 83% de la population française considère que les femmes subissent des injustices et des violences précisément parce qu'elles sont des femmes. Selon ce rapport, "en 2017, 1,2 millions de femmes ont subi une injure sexiste, soit près d'une femme sur 20". Dans la plupart des cas, ces femmes sont traitées de "salope", de "connasse" ou de "pute" par des personnes qu'elles ne connaissent pas, dans la rue ou les transports en commun. Aussi communes soient ces insultes, elles restent largement "tolérées". En effet, seuls 2,9% des actes sexistes font l'objet de plaintes et 20% de ces plaintes conduisent à une condamnation. Une goutte d'eau...

Le HCE entre également dans le détail de tous les domaines où se manifeste le sexisme en France. Ainsi listés, ça fait froid dans le dos :
- Le sexisme de la langue : le masculin l'emporte sur le féminin, les expressions sexistes (mademoiselle, nom de jeune fille...)
- L'invisibilisation des femmes ayant compté dans l'Histoire, notamment dans les manuels scolaires (on ne soulignera jamais assez l'importance des rôles-modèles dans la construction des ambitions, notamment féminines, ndlr)
- La Constitution française toujours jugée sexiste, ne serait-ce que par l'utilisation de l'expression "droits de l'Homme" quand on pourrait si facilement parler des "droits humains".
- L'humour sexiste, dans la sphère privée et la sphère publique (les youtubeurs Norman et Cyprien - idoles des adolescents, soit dit en passant - sont largement montrés du doigt par le HCE, de même que l'animateur télé Cyril Hanouna, par exemple)
- Les contenus sexistes dans la communication et la publicité
- Les stéréotypes dans les jouets et vêtements, le rose et le bleu, etc.
- Le sexisme dans l'art et la culture : le test de Bechdel permet d'évaluer le sexisme dans le cinéma ou la littérature par trois simples critères (1. Y a-t-il au moins deux personnages féminins nommés ? 2. Ces deux femmes parlent-elles ensemble au moins une fois ? 3. Parlent-elles d'autre chose que d'un homme ?)
- Le sexisme dans le traitement médiatique des violences faites aux femmes : on ne va pas titrer sur un féminicide mais parler d'un crime passionnel par exemple (= c'est parce que l'homme éprouve un amour passionnel pour sa femme qu'il la tue... Au secours !)
- L'espace public dominé par les hommes : la rue, les cours de récréation, les équipements sportifs, les prises de parole en public (mansplaining, manterrupting...)
- Le monde du travail dominé par les hommes (de plus en plus d'hommes à mesure que l'on grimpe dans l'échelle des responsabilités)
- L'atteinte à l'autonomie des femmes : assignation à la maternité, non partage de la charge domestique, mais aussi mariages forcés et pratiques sexistes en médecine gynécologique par exemple (ex : le point du mari, par exemple)
- Les agressions et mutilations sexuelles
...

Compte tenu de tous ces éléments, remarque-t-on au HCE, les femmes, de manière consciente ou non, développent des stratégies d'évitement, de l'auto-censure. Elles se sentent dévalorisées et freinent leurs ambitions. Et lorsqu'elles osent s'élever contre le sexisme dont elles sont l'objet, elles sont généralement accusées d'être agressives, de ne pas comprendre l'humour. Depuis l'affaire Weinstein, la parole féminine est cependant largement facilitée mais très vite, celles qui s'expriment sur le sujet sont traitées de "féminazies".


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