mardi 19 février 2019

Boys' club : quand une espèce se sent menacée, elle est sur la défensive

A l'origine des crises des années 2010 autour du harcèlement - cyber ou physique - des femmes, se trouve la question de la place des hommes dans la société, dans le monde du travail. Sans faire de la psychologie de comptoir, on observe que, à mesure que les femmes travaillent et œuvrent à l'amélioration de leur sort, les hommes, eux, comme une espèce animale qui se sentirait menacée, se serrent les coudes et sont sur la défensive. L'enjeu pour eux ? Assurer leur domination, asseoir leur autorité, gravir les échelons en écrasant systématiquement ceux - et en l'occurrence celles - qui chercheraient à se mettre sur leur chemin. 

Il y a là une logique de compétition malsaine qui repose non pas sur ses propres talents mais sur sa capacité à faire oublier les talents des autres. Dans ce que l'on connait désormais communément sous le nom de boys' club, il y a une pratique exacerbée de l'entre-soi. Les hommes se serrent les coudes, se soutiennent, se co-optent, se légitiment les uns les autres, tandis qu'ils développent un concours de misogynie, qu'ils critiquent, dévalorisent continuellement les femmes, tapent là où ça fait mal. Les femmes victimes relèvent que cela atteint la confiance qu'elles pouvaient avoir en elles, elles se sentent assignées à un statut d'objet sexuel, dévalorisées.

Mais une fois que ceci est décrit, connu, montré du doigt, qu'en fait-on ? Comment corriger le tir ? Certains considèrent qu'il faut en passer par la loi, appuyer sur la nécessité d'imposer la parité dans les chaines de responsabilité des entreprises, de façon à ce que les talents des femmes ne soient pas si facilement dénigrés, qu'elles s'imposent et que, chemin faisant, les tactiques de harcèlement développées par les hommes s'épuisent. D'autres encouragent les femmes à se regrouper en réseau comme le font les hommes : des girls' club pourraient leur permettre, sinon de reproduire le schéma des garçons, au moins d'apprendre à se défendre, ensemble. La féministe Valérie Rey-Robert*, elle, n'y va par quatre chemins et considère qu'il ne faut pas engager des hommes dont on sait qu'ils ont été harceleurs. Ainsi, dans le podcast audio Les couilles sur la table, elle pose les données du problème ainsi : "On sait très bien qu'à l'heure actuelle, si une nana a un fait un nude (une photo d'elle, nue, ndlr) dans sa vie et que ça s'est su, elle sera tricarde partout. Alors que des types dont la terre entière savait qu'ils harcelaient de façon continue des personnes ont pu faire carrière grâce à ça". Continuer de faire travailler ces hommes, c'est se rendre complice de leurs actes, c'est accepter que dans le monde de l'entreprise, il soit sinon encouragé, au moins toléré, de décrédibiliser le travail des femmes et d'anéantir leurs espoirs de carrière.


* Valérie Rey-Robert est l'auteure de "Une culture du viol à la française" qui sera publié le 21 février prochain. Il en sera fait écho ici, naturellement. J'ajoute qu'elle est également derrière le nécessaire blog Crêpe Georgette.

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