Après le coup de tonnerre inédit qu'avait été l'affaire Weinstein, de nombreuses comédiennes à travers le monde avaient pu s'exprimer. On disait que la parole, enfin, était libérée. Il semble que la dynamique soit comparable aujourd'hui avec le scandale de la Ligue du LOL. Depuis ce week-end, les victimes de ces raids en ligne s'expriment. Elles racontent, elles dénoncent. Sans haine. Elles s'étonnent aussi d'être si nombreuses. Elles s'appellent Florence Porcel, Daria Marx, Léa Lejeune, Mélanie Wanga, Capucine Piot, Lucile Belan... Toutes ces femmes évoluant dans les médias de la place parisienne racontent combien ces années ont été dures et plombantes pour elles. Mélanie Wanga explique au media en ligne Binge que les membres de la ligue du LOL "se plaçaient comme décideurs du bon contenu et du mauvais contenu. Ils te disaient : "ce que tu dis, c'est de la merde". Pendant deux années, cette journaliste a subi une décrédibilisation constante et systématique de son travail. De même que Léa Lejeune qui considère aujourd'hui que ce travail de sape a contribué à ce qu'elle n'obtienne pas le CDI convoité, à l'époque. Elle perdait pied.
"Pourquoi n’avons-nous pas parlé pendant toutes ces années?", écrit Léa Lejeune sur Slate aujourd'hui. "Parce que ces
gens-là avaient des postes importants, étaient amis avec des rédacteurs
en chef influents ou des personnes à des postes de direction à Slate, à
Libération, aux Inrocks, dans la presse people ou magazine –ceux qui
sont cités parmi les membres de la Ligue du LOL. Précaires, nous avions
peur de perdre des opportunités de travailler". CQFD. Le cyber-harcèlement des milieux médiatiques dénoncé ces jours-ci, c'est la même logique que le harcèlement à l'école : on s'en prend aux plus faibles et on leur tombe dessus en meute, c'est tellement jouissif, tellement grisant. Les victimes sont sans défense. Elles sont fragiles, elles sont isolées. Combien de carrières de femmes talentueuses et brillantes ont été sinon anéanties, au moins largement ralenties, avec ces attaques en raid sur les réseaux sociaux ?
Les membres de la Ligue du LOL tombent aujourd'hui comme des mouches. Les uns après les autres, ils se voient écartés des rédactions avec lesquelles ils travaillaient. Ils publient leurs excuses, dont on remarquera qu'elles ressemblent plus à des justifications qu'à de sincères mea culpa, façon, "on était jeunes, on ne pensait pas à mal" (ben tiens...). Pire, certains retournent carrément leur veste. Ainsi, balance Mélanie Wanga, alors que pendant des années, via la ligue du LOL, ils écrasaient systématiquement la parole féministe dont ils considéraient que ce n'était qu'un non-sujet, depuis #metoo, on les surprend à écrire sur les combats des femmes. La différence, insiste-t-elle, c'est que les femmes victimes de la ligue du LOL s'exprimaient il y a dix ans sur le sujet sans être payées pour cela, elles le faisaient par conviction, par militantisme. Eux n'y seraient venus que parce que leurs rédactions les payaient pour traiter ces sujets. Ils ont repris le travail et les idées de ces femmes après les avoir décrédibilisées, sans aucune vergogne.
Léa Lejeune, présidente de Prenons la Une, ce collectif qui milite pour améliorer la représentation des femmes dans les médias, écrit par ailleurs que lorsque fin 2017, Libération publie une tribune de soutien à la journaliste Nadia Daam, qui venait d'être gravement cyber-harcelée, Prenons la Une choisit de ne pas signer cette tribune. On sait désormais pourquoi : "parmi les signataires, il y avait plusieurs personnes qui avaient participé à mon harcèlement dont Vincent Glad et Alexandre Hervaud qui critiquaient sans gêne les autres. La tribune utilise ces mots: «Nous voulons simplement dire aux brutes qui la persécutent qu’elle n’est pas seule, que nous pensons, comme elle, qu’ils sont des êtres lâches, minables et méprisables, et que nous attendons patiemment, mais avec confiance, que la justice et la communauté même du web les mettent hors d’état de nuire». On ajoutera que Christophe Carron et Olivier Tesquet, également membres de la Ligue du LOL étaient aussi signataires de ce texte. Comment ont-ils pu ? Pensaient-ils s'acheter une moralité en apposant leur signature en bas de cette tribune ? Des années durant, ils ont donc fait semblant et, sans cette dénonciation au travers de l'article de Libération en fin de semaine dernière, il est probable qu'ils auraient continué de vivre comme si de rien n'était. Ne seraient-ils pas eux aussi des "êtres lâches, minables et méprisables" ? Pris la main dans le pot de confiture, ils s'excusent du bout des lèvres. Certaines de leurs victimes ne croient pas une seule seconde qu'ils ressentent un quelconque regret. "A force de lire des saletés sur moi partout sur les réseaux, j'ai été convaincue que je ne valais rien", se rappelle Capucine Piot qui précise qu'elle se détestait et que sa construction de jeune femme a été très dure. Daria Marx, elle, a pensé mettre fin à ses jours. Qu'en disent les "êtres lâches, minables et méprisables" ?
Outre la ligue du LOL, il y eut un groupe "radio bière foot" au sein de la rédaction du Huffington post qui rassemblait des journalistes masculins de la rédaction et pratiquait le sexisme, le racisme et l'homophobie. Trois personnes ont été licenciées en décembre dernier. Enfin, au sein de la rédaction de Vice, un autre groupe a été identifié pour à nouveau, le même type de pratiques.
Il est à supposer que d'autres secteurs professionnels seront dans le viseur, un jour ou l'autre.
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