Devenir parent. Un choix mûrement réfléchi, un besoin et un désir profonds ou une convention sociale ? Quand on naît femme, on est très vite engagée dans ce mouvement quasi inéluctable. Les codes de séduction font très vite partie de votre existence - on vous fait porter des robes qui dévoilent vos jambes, on vous félicite quand vous êtes jolie...- et on vous offre des poupons, des poupées à habiller, à coiffer et à dorloter. On vous enseigne, de suite, qu'un jour viendra où vous serez mère. Parce qu'après tout, c'est votre destin, c'est comme ça : qui est doté d'un utérus est supposé, le jour venu, donner la vie. Tant et si bien qu'une fois adulte, ces messages ont été à ce point intégrés que pour beaucoup de femmes, la perspective de faire des enfants est une évidence. Ça ne se questionne pas, on y va, c'est la suite logique des choses, on apporte sa participation à l'avenir de l'humanité.
Qu'une femme soit enceinte et elle sera félicitée : c'est bien, elle participe à l'élan collectif, elle entre dans ce large club des femmes qui vont au bout de ce que la société a prévu pour elles. Elle porte la vie, elle est forcément heureuse de cela. Elle ne reste pas au bord du chemin, elle est portée par l'élan collectif. On ne questionne jamais les femmes qui font des enfants. En revanche, on questionne celles qui n'en font pas. Pour qui se prennent-elles ? Quels monstres d'égoïsme sont-elles ? Comment peut-on être une femme et ne pas vouloir d'enfants ? Souvent, le réflexe face à une femme qui affiche son non-désir d'enfant est celui-ci : "c'est parce que tu n'as pas rencontré le bon partenaire. Tu verras, quand tu auras trouvé le bon, tu voudras faire des enfants". Si elle tarde à s'y mettre, on jugera bon de lui rappeler que son horloge biologique tourne. C'est pas pour lui mettre la pression, hein, ça part d'un bon sentiment...
Celles et ceux qui ne veulent pas d'enfants seraient des anti-conformistes et toute la société française s'appuie là-dessus. Combien sont les femmes qui, ayant demandé une stérilisation à leur médecin ont entendu cela : "Vous ne voulez pas d'enfants maintenant mais un jour, vous en voudrez et alors ce ne sera plus possible". De quel droit vous impose-t-on de rester ouverte à l'idée de procréer quand vous avez fermement, intimement, décidé de ne jamais devenir parent ? Pourquoi considérer que vous allez nécessairement changer d'avis, tant serait si belle la perspective pour vous d'avoir un enfant ? On ne discute jamais l'envie d'une femme d'avoir un enfant, pourquoi discute-t-on son choix de ne pas en avoir ? Pourquoi avoir un enfant serait un passage obligé dans la vie d'une femme ? Dans "Sorcières - la puissance invaincue des femmes", Mona Chollet assène : "les femmes sont libres d'avoir des enfants ou pas... à condition de choisir d'en avoir. Celles qui n'en souhaitent pas sont parfois assimilées à des créatures sans cœur, obscurément mauvaises, malveillantes à l'égard de ceux des autres". De même, écrit-elle, "il est apparemment toujours impensable que l'on puisse aimer et désirer une personne sans vouloir un enfant avec elle".
Alors, tout mis bout à bout, outre les femmes qui ne veulent pas d'enfants et l'assument, il y a celles qui auraient envie d'un désir d'enfant. Elles aimeraient avoir ce désir-là, parce qu'elles rentreraient dans la norme sociétale et à tout le moins, elles auraient des réponses à apporter aux questions de leur entourage qui seraient plus douces. Au définitif "je ne veux pas d'enfants, lâchez-moi avec ça", elles pourraient répondre : "pour l'instant je n'en veux mais ça viendra sans doute". Une façon d'arrondir les angles, de ne pas heurter la bien-pensance collective. Mais la promesse aussi de s'entendre régulièrement questionnée sur le sujet : "alors cette envie d'enfant, ça avance ?"
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