jeudi 28 mars 2019

Pour qu'engager une femme ne soit plus vu comme "un nid à emmerdes"

Pour beaucoup des femmes qui ont répondu ces dernières années à mes appels à témoignage, la conciliation entre la vie de famille et la vie professionnelle s'est opérée via la négociation d'un passage à temps partiel. Très nombreuses sont celles qui travaillent aux 4/5, consacrant leurs mercredis à leurs bambins. Sans surprise, dans aucune des familles témoins le papa n'a demandé de passage à 80%. Pourtant, il est clair qu'en ce début de XXIè siècle, les pères sont bien plus investis que leurs aînés au sein de la famille, auprès des enfants. Certains d'entre eux militent en conscience pour un allongement du congé paternité, à l'instar de Patrice Bonfy (lire ou relire : Congé paternité : le souffle nouveau de la génération Y ), d'autres sont pères au foyer (lire ou relire : L'homme au foyer subit les quolibets ). Mais globalement, la configuration de l'organisation familiale demeure inchangée : aux femmes la gestion de la vie familiale au sens large et la difficile équation avec une vie professionnelle choisie, aux hommes la vie professionnelle pleine et entière et accessoirement un peu plus de temps que par le passé dans la vie familiale.

Selon Patrice Bonfy, c'est par une implication plus intense des pères auprès de leur famille que peu à peu, la culture des dirigeants d'entreprises se modifiera et que ce faisant, la vie professionnelle des femmes sera considérée sous un meilleur jour. Et cela vaut pour les emplois à temps partiel autant que pour les congés parentaux. Si des pères demandent de façon croissante à basculer aux 4/5 pour passer plus de temps auprès de leurs enfants, alors il sera plus aisé pour les femmes, peu à peu, de voir leurs carrières revalorisées. Aujourd'hui, pour les entreprises, engager une femme continue de faire courir le "risque grossesse" et le "risque famille". Engager une femme, c'est un nid à emmerdes. Je me fais l'avocat du diable : elle sera absente plusieurs mois lorsqu'elle donnera naissance à un enfant et sans doute, elle sera moins impliquée dans son son job ensuite, demandera un temps partiel, ce qui plombera sa rentabilité. Du coup, elle progressera moins vite voire pas du tout au sein de l'entreprise. Un nid à emmerdes, vous dis-je ! Mais, si les pères s'investissent plus dans les congés parentaux, s'ils consentent à revoir leurs projets de vie et demandent à travailler à temps partiel pour s'occuper de leurs enfants le mercredi par exemple, alors le "risque famille" ne sera plus encouru uniquement à l'embauche d'une femme mais également à celle d'un homme. Le "risque" sera mutualisé. L'embauche d'une femme sera relativement moins un pari risqué qu'auparavant tandis que l'embauche d'un homme le sera plus. Nous tendrons alors vers un monde du travail plus égalitaire et vers une organisation de la famille moins traditionnelle, moins sexuée. 

La transformation de la société ne peut se faire en un claquement de doigts, ni du jour au lendemain. Mais il importe que les modèles évoluent. En procédant ainsi, le passage au temps partiel ne sera plus une fatalité pour les femmes, les hommes s'engageront dans une paternité plus moderne, les entreprises auront une vision de leur main d'oeuvre moins binaire et les enfants seront élevés dans un champ des possibles bien plus large. La conciliation vie de famille-vie professionnelle est un sujet qui ne se limite pas à la question de savoir qui se rendra disponible séance tenante pour aller récupérer un mouflet fiévreux à l'école. C'est une réflexion plus large sur le vivre ensemble, sur le modèle de société qui correspond à tout le monde et favorise la mise en valeur de chacun.

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