vendredi 16 novembre 2018

Politique de la ville : tant que les hommes seront aux manettes...

Si j'avais déjà eu accès à des travaux du géographe Yves Raibaud qui avait notamment publié un ouvrage en 2015 intitulé "La ville faite par et pour les hommes", je n'avais jusque-là pas eu l'occasion de l'entendre. Lacune corrigée, grâce à l'intervention de l'une d'entre vous, grâce à qui je découvre - mieux vaut tard que jamais (ahem ahem) - le podcast audio de chez Binge : "Les couilles sur la table". La journaliste Victoire Tuaillon y questionne les masculinités. Et donc, dans son podcast #25, taille la bavette avec Yves Raibaud au sujet des "villes viriles".

Pourquoi viriles ? Parce que c'est pas compliqué : dans la ville, "tout rappelle aux filles et aux femmes qu'elles ne sont pas prioritaires", dénonce le géographe. Aux hommes, les noms d'avenues et de boulevards, aux femmes les impasses et petites rues. Pire, quand les statues d'hommes les parent de costumes, les femmes "sont seins nus sur les statues d'autrefois, assassinées sur les affiches d'opéra". En toutes circonstances, la femme est reléguée à son statut d'objet sexuel. Et Yves Raibaud de parler de "terrorisme sexuel dans la ville".



Outre cette façon de montrer ou d'invisibiliser la femme, les villes ont développé des politiques d'urbanisme et de développement des quartiers qui assoient un peu plus la domination masculine et ce, au travers des équipements sportifs. Selon le géographe, 80% du budget du sport profite aux hommes. Il explique que chaque fois que des lieux féminins existent, ils sont peu subventionnés, parfois même décriés. Et parle de "disqualification des lieux d'entre-soi féminin", parmi lesquels on citera les salles de danse, de GRS, de majorettes ou de twirling bâtons. A contrario, les loisirs tels que le skate-board, le graph, le rock, sont considérés comme importants socialement par les élus. Des activités pas ou peu mixtes. Le géographe remarque d'ailleurs que si les filles se disent ouvertes à l'idée de participer à des activités mixtes, les garçons y seraient généralement opposés. "Les garçons sont sollicités à coopérer entre eux, ce qui n'existe pas ou peu pour les filles". De manière encore prédominante, la politique de la ville se construit "sur l'éviction des femmes et sur leur mythification comme objet sexuel", "on crée un continuum de l'espace masculin".

Tant que les instances de décision des politiques d'urbanisme seront majoritairement masculines, il y a fort à parier que rien ne change. Mais dès que la parité s'installe, assure le géographe, les lignes bougent. De son point de vue, il faut apprendre la mixité aux dominants, c'est-à-dire aux hommes. Le géographe préconise d'ailleurs le sport mixte obligatoire. Ce qui est certain, dit-il, c'est que dans l'état actuel des choses, "le contrôle social est extrêmement fort sur les corps pour que les rôles sociaux de genre restent les mêmes".

Cette émission est à écouter ici : Les couilles sur la table - Des villes viriles

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