mardi 25 septembre 2018

Insolite : un bébé à l'ONU

Dans la série rôle-modèles, je vous présente Jacinda Ardern. En octobre 2017, elle est appelée à prendre le poste de Premier ministre en Nouvelle-Zélande. Elle a 37 ans et vient juste d'apprendre qu'elle est enceinte de son premier enfant. Elle assume tout de front et attend janvier dernier pour annoncer sa grossesse à la population. Elle prévient qu'elle ne prendra que six semaines de congé maternité. Sa fille est née en juin et dès le mois dernier, Jacinda Ardern était de nouveau au travail, comme annoncé, et accompagnée en toutes circonstances de son bébé.

Tout ceci serait passé inaperçu à nos yeux de Français si cette femme résolument moderne et sûre d'elle n'avait pas décidé, cette semaine, d'assister à un évènement en marge de l'assemblée générale des Nations Unies, accompagnée de son bébé. Elle a jugé cela naturel et considère qu'un jour, cela deviendra normal aux yeux de tous.

Jacinda Ardern - Photo Charles Howells pour le Sunday times magazine


Subitement, parce que cette femme fait ce choix, les médias du monde entier se braquent sur elle pour saluer son initiative. Par cet acte finalement assez innocent, Jacinda Ardern vient briser les codes : on n'est pas obligé d'être austère, en costume-cravate ou hypra coincé pour participer à une réunion de stature internationale. On peut avoir de la bave de bébé sur l'épaule. On n'est pas obligé de renoncer à qui on est vraiment, à sa personnalité propre, pour présenter un discours devant les représentants de plus de 100 nations. Et venir avec son bébé à de tels évènements n'enlève rien à la portée dudit évènement et au sérieux des propos qui y seront tenus.

Si donc on peut se féliciter de la venue de ce bébé aux Nations unies, on peut tout à la fois s'interroger : pourquoi en est-on encore à saluer ce genre de choses ? Pourquoi considérer cela comme extraordinaire ? Pourquoi n'est-ce pas "la norme" ? De la même façon, on continue de célébrer les hommes qui font le choix de mettre leur carrière en sourdine pour permettre à leur moitié de s'investir dans la sienne (lire ou relire ici : Contraintes familiales : l'exemplarité au masculin). Comment se fait-il que l'on en soit encore là, que ce ne soit pas encore rentré dans les moeurs ? 

On ajoutera comme une anecdote que les Nations unies sont un symbole du souhait des peuples d'être unis, d'établir et de préserver des relations de fraternité, d'acceptation des différences, de tolérance. Pourquoi ce bébé n'y serait pas accueilli ?

Enfin - et c'est salutaire - Jacinda Ardern devient un véritable rôle-modèle pour l'initiative qu'elle a prise, comme un pied de nez aux Nations patriarcales qui l'auraient peut-être renvoyée dans son foyer. Mais aussi parce qu'elle a montré que l'on pouvait tout à la fois porter un bébé et diriger un pays. Ce n'est pas incompatible. Avec un peu de chance, des petites filles du monde entier afficheront la photo de cette cheffe de gouvernement sur les murs de leur chambre d'enfant.

Lire aussi :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire