Ce dimanche, la patrie reconnaissante honorera une femme hors du commun. Ce dimanche, Simone Veil, accompagnée de son mari Antoine, entrera au Panthéon. Ce dimanche, la médiatisation de l'évènement aidant, chacun d'entre nous pourra se saisir de l'occasion pour expliquer aux enfants quel être absolument incroyable a été madame Simone Veil. Un an après son décès, la France se rappelle la chance qu'elle a eue de compter en son sein cette humaniste, cette femme à la fibre européenne chevillée au corps et au coeur, cette personne sans laquelle, sans aucun doute, notre pays serait différent aujourd'hui. Cette féministe convaincue, au caractère bien trempé et au regard incomparable.
"Une femme, si elle veut être indépendante, doit absolument faire des études, et travailler, même si son mari s'y oppose. Tel est le prix de sa liberté". Ce sont les propos d'Yvonne Jacob, la mère de Simone. Des propos qu'elle tenait à ses trois filles lorsqu'elles étaient adolescentes, dans les années 1930. Pendant la période insouciante, avant la guerre, avant la déportation dont Yvonne ne reviendra pas. Cette philosophie, Simone l'a intégrée et quand ses trois garçons sont suffisamment grands, dans les années 1950, Simone tient tête à son mari et entre dans la magistrature. En forçant presque la porte, tant le corps des magistrats continue de penser qu'une femme de fonctionnaire, mère de trois enfants, n'a pas besoin de travailler. Mais Simone ne lâche pas le morceau et en 1957, elle se tient là où aucune femme ne s'est tenue avant elle, elle est magistrate. Elle a alors trente ans.
Etre la première femme, ce sera désormais son lot quotidien. Quoi qu'elle entreprenne, elle montre le chemin, elle ouvre la voie. Elle le fait par conviction, emmenée par sa force de caractère, son volontarisme. Mais où qu'elle se trouve, elle se sent illégitime. "Je me sens toujours gauche, pas à ma place, pas coiffée, pas maquillée, pas comme il faut", dira-t-elle. Une humilité, une modestie qui peut-être ajoutent encore à sa grandeur, qui nourrissent le mythe qu'elle est devenue.
Chemin faisant, elle n'a de cesse de rencontrer les personnes qui ont à coeur de mettre son talent et ses compétences en valeur. En 1970, le président Pompidou la nomme secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature. Il dépoussière la maison : elle est la première femme à assumer cette fonction.
1974 : changement de décor. Jacques Chirac, nommé premier ministre suggère au président Valéry Giscard d'Estaing de l'appeler au gouvernement. Elle sera la première femme ministre de plein exercice et seule femme du gouvernement. Ministre de la Santé, elle prend à bras-le-corps la question de la législation autour de l'avortement et fait adopter en 1975 la légalisation de la pratique. Peu importent les critiques, elle va au bout de son idée.
Simone Veil, qui attire les medias, se met à raconter son histoire, elle témoigne de la Shoah et l'on dira d'elle qu'elle réconcilie la France avec son histoire contemporaine. Devenue icone, elle accepte en 1979 de conduire la liste UDF à l'occasion des premières élections européennes. Elle est propulsée première présidente du Parlement européen nouvellement constitué. Une rescapée de la Shoah à ce poste-là, joli symbole. Mettant fin à sa vie politique en 1995, elle décide de consacrer l'énergie qui lui reste à la transmission de la mémoire et devient présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Enfin, en 2010, elle est nommée à l'Académie française, elle entre dans le "club" des Immortels, club très fermé de 732 membres d'hier et d'aujourd'hui. On pourrait s'étonner qu'elle y ait été invitée. Après tout, elle n'a pas mené de carrière littéraire. Mais il suffit d'écouter ses discours, ses interviews, d'observer combien elle mesurait ses propos, quel que soit le sujet, et veillait à toujours utiliser le bon mot au bon moment pour le comprendre. Si vous ne l'avez déjà fait, je ne saurai trop vous conseiller de visionner le documentaire Simone Veil, albums de famille que France 3 a diffusé cette semaine (disponible en replay pendant encore 5 jours). Je vous mets au défi de ne pas être subjugué par cette femme incroyable et de ne pas être ému par son destin hors du commun. Simone Veil, une rôle-modèle, assurément.
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