mardi 5 janvier 2021

Quand la femme est un loup pour la femme

Promis, je ne suis pas défaitiste, déprimée ou quoi. Mais autant il y a des périodes où la montée en puissance des femmes m'enthousiasme, leur reconnaissance m’apparaît enfin possible, autant il y en a d'autres où je me dis que décidément le chemin est long et la pente sacrément raide avant que les femmes bénéficient enfin de situations comparables à celles des hommes. Hier, ici-même, je rappelais qu'il aura suffi de cette crise sanitaire dévastatrice pour que les carrières professionnelles des femmes soient mises en danger. Aujourd'hui, il me suffit de consulter la presse pour mesurer l'ampleur des chantiers qu'il reste à mener à terme. Camille Kouchner raconte dans un livre que son frère jumeau a été abusé par leur beau-père, quand ils étaient adolescents, il y a trente ans ("La familia grande", publié au Seuil). Voilà qu'on lui reproche d'avoir attendu 30 ans pour dénoncer cela ! Elle donne un nouveau coup de pied dans la fourmilière de la pédophilie française, elle porte la voix et les souffrances de son frère et on trouve encore des gens pour balancer qu'elle aurait mieux fait de s'exprimer il y a trente ans...


Et puis, dans une thématique tout à fait différente, beaucoup plus légère mais néanmoins énervante, voilà que Marlène Schiappa se trouve à nouveau prise la main dans le pot de confiture du placement de produits. Elle avait déjà été épinglée pour avoir ostensiblement fait la promotion d'une marque de vêtements corse et voilà qu'elle récidive en publiant, sur son compte Instagram officiel, une vidéo faisant la promotion d'un salon de coiffure parisien. Non seulement on peut considérer plus que "borderline" cette manière de vanter les mérites de telle ou telle marque - peu importe que ce soit mérité ou non - quand on est une personnalité publique mais cette façon de se conduire nuit gravement aux femmes en général. Cela sous-entend en effet que les femmes de pouvoir, les femmes qui ont "réussi", restent prioritairement accrochées à la mode et aux sujets bassement féminins. Évidemment qu'une femme de pouvoir peut toujours aimer s'habiller, se maquiller, etc, mais communiquer autour de cela, c'est anéantir des années et des années de combats des femmes pour être prises au sérieux. Quand on est une femme publique, membre d'un gouvernement, qu'on est de cette façon sous les caméras constamment, on ne fait pas cela. Elle peut s'offrir les plus grandes marques de vêtements et les coiffeurs parisiens les plus chics, grand bien lui fasse. Mais le montrer et le dire, c'est se donner l'image d'un adolescent ou d'une adolescente le jour d'ouverture de la saison des soldes. C'est continuer de véhiculer cette idée que les femmes ne sont que des êtres aux poches percées, seulement guidées par leur souhait d'être la plus belle pour aller danser.

 

Dans un article publié dans les colonnes du Monde début décembre (Marlène Schiappa, la bonne élève de la Macronie, on lit ceci : "Au début de sa carrière ministérielle, quand elle était encore secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes (2017-2020), Marlène Schiappa s’amusait à faire deux piles. La pile A était constituée d’articles qui traitaient de son action sur le fond ; la pile B rassemblait ceux qui évoquaient sa tenue vestimentaire, ses accessoires de joaillerie, sa chevelure volumineuse et/ou ses punchlines les plus exubérantes. Selon un témoin très proche de la ministre, la pile A avait toutes les peines du monde à s’élever tandis que la B crevait le plafond". On a beau se douter que la taille de ces deux piles est vraisemblablement exagérée, la seule possibilité qu'existent ces deux piles montre bien la personnalité de cette ministre. Marlène Schiappa n'aurait pas du entrer en politique, elle aurait du être "influenceuse"... Parle-t-on de l'allure d'Elisabeth Borne ? S'enthousiasme-t-on de la chevelure d'Elisabeth Moreno ou de celle d'Emmanuelle Wargon ? On n'évoque même pas les éclats de rire de Roselyne Bachelot ! Marlène Schiappa se prétend féministe et militante pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Dont acte ! A elle d’œuvrer pour qu'on la considère comme telle, à elle de se corriger pour que ses idées et ses actes politiques priment sur ses attitudes qui nuisent à toutes. Une fois de plus, la femme est un loup pour la femme. Pour qu'advienne une réelle égalité entre les femmes et les hommes, il ne nous faut pas seulement militer et être force de conviction auprès des hommes, il faut aussi faire le ménage dans nos propres rangs. Usant.


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