"Ma thèse est que la division du travail n'est pas neutre, mais orientée et asymétrique, même dans les sociétés prétendument égalitaires; qu'il s'agit d'une relation non pas de réciprocité ou de complémentarité mais de domination; que cette domination se manifeste objectivement et que des constantes générales régissent la répartition des tâches, qui reflètent les rapports de classe entre les deux sexes".
Paola Tabet est ethnologue. De son point de vue, depuis la nuit des temps, l'organisation sociale s'est faite autour de cette question de domination. Ces mots, elles les a écrits dans "Les mains, les outils, les armes"... en 1979. Dans cet ouvrage, elle explique que "cette domination se traduit dans la façon même dont est instituée la division du travail, dans les devoirs et les interdits relatifs à la division du travail et aux obligations familiales, ainsi que dans la création d'une identité sociologique masculine ou féminine, d'une gender identity d'êtres qui sont biologiquement hommes ou femmes". Pour elle, "la division sexuelle du travail doit être analysée en tant que relation politique entre les sexes".
De son point de vue, cette domination masculine s'exprime entre autres au travers des outils dont disposent les hommes et les femmes pour accomplir leurs travaux. Elle développe ainsi "l'hypothèse d'un sous-équipement des femmes et d'un gap technologique entre hommes et femmes, qui apparaît dès les sociétés de chasse et de cueillette et qui, avec l'évolution technique, s'est progressivement creusé et existe toujours dans les sociétés industrialisées".
Elle enfonce le clou : "On doit se demander ce que signifie le fait que l'un des deux sexes détient la possibilité de dépasser ses capacités physiques grâce à des outils qui élargissent son emprise sur le réel et sur la société, et que l'autre, au contraire, se trouve limité à son propre corps, aux opérations à main nue ou aux outils les plus élémentaires dans chaque société". Evidemment, on trouvera toujours quelqu'un pour répondre que pour s'occuper d'enfants, les femmes n'ont besoin que d'outils simples. Pour la cueillette, les femmes n'ont pas non plus besoin d'outils élaborés. Mais qui de l'oeuf ou de la poule est venu en premier ?
Il importe également d'ajouter que selon certains chercheurs sur le sujet, il y a une différence fondamentale entre les sociétés de chasseurs-cueilleurs et les sociétés ayant développé l'agriculture : chez les chasseurs-cueilleurs, ce sont donc les femmes qui se chargent de la cueillette. Ce faisant, elles sortent du foyer et ont vocation à subvenir aux besoins alimentaires du foyer. Chez les agriculteurs, en revanche, ce sont les hommes qui sont aux champs, les femmes n'ayant alors qu'une mission de transformation des grains récoltés. Elles perdent leur autonomie, leur apport aux besoins du foyer, elles deviennent dépendantes des hommes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire