1991.
J’ai 14 ans. Je discute avec A., qui a un an de moins que moi. Il est question
de sujets adolescents, de garçons et de sentiments. Immanquablement, la conversation finit par
déraper. Elle me dit, sidérée et dépitée à la fois : « Quoi ? Tu n’as jamais embrassé de
garçon ? Quelle horreur, mais tu vas finir vieille fille ma pauvre ».
2017.
J’ai 40 ans. Je suis mariée, j’ai 3 enfants. A. est célibataire, n’a pas
d’enfants… Est-elle moins heureuse que moi aujourd’hui ? Rien ne le laisse
supposer. Elle semble mener une vie professionnelle intéressante, elle sort, a
beaucoup d’amis, elle voyage.Elle est drôle et semble bien dans ses baskets.
Quand
nous étions petites filles elle et moi, il était encore admis, dans
l’inconscient collectif, qu’une femme restant sans mari, sans enfants, était
une « vieille fille », forcément malheureuse, forcément en retrait de
la société. Entre temps, les choses ont changé. Le mariage ou le concubinage ne
sont plus un passage obligé et peu à peu, on a cessé de considérer les femmes
vivant seules comme des pauvres filles perdues et sans avenir.
Encore que... Il y a quelques semaines, j'échangeais avec S., une autre amie d'enfance, elle aussi célibataire et sans enfants, heureuse. Elle raconte : "on a pensé que j'étais homosexuelle, on m'a suggéré d'essayer des sites de rencontres... En fait les gens ne supportent pas que tu sois seule alors que personnellement je vis plutôt bien mon célibat. C'est un choix de vie. Point final !"
T, de son côté, a 50 ans. Elle non plus n'a pas d'enfant, ni de bague à son doigt. Elle porte un regard assez sévère sur les familles de son entourage. Bien que se considérant "children friendly", elle explique : "je suis très contente de ne pas avoir eu "mes enfants à moi" et de ne pas avoir reproduit le fatras de névroses familiales que j'ai pu voir à l'oeuvre chez deux de mes soeurs, qui ont chacune deux et trois enfants. Pour résumer", ajoute-t-elle, "nous avons une mère absolument délicieuse, charmante, drôle, intelligente... mais qui était à peu près aussi douée pour être mère que moi pour dire la messe. Pas de bol pour elle, elle a du se marier à 19 ans pour se tirer de chez elle et a pondu quatre greluchettes dans la foulée".
En clair, compte tenu de son exemple maternel, T. n'a pas éprouvé une envie délirante de procréer, et sentimentalement, c'est à l'avenant. Une situation qui, au final, lui réussit bien. Elle fait le bilan, considérant mener une "vraie vie de patachon" : "ce matin, j'ai glandé au lit jusqu'à 10h avec un bouquin. Etant pigiste, je n'ai pas plus d'horaires que de discipline personnelle. Et je deviens suffisamment égoïste pour ne pas imaginer une seule seconde sacrifier tous mes plaisirs sur l'autel de sa majesté ma progéniture. Mes amis ont trouvé la formule : je suis une freelance professionnelle et affective. Ca me va plutôt bien".
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