vendredi 6 novembre 2020

Ce que la pop fait au féminisme

Madonna, les Spice Girls, Beyoncé ont pris le relais de Simone de Beauvoir et du MLF. Les féministes emblématiques de trente dernières années sont des figures de la musique pop. C'est ce constat qui jalonne le film documentaire qui sera diffusé sur Arte ce vendredi soir et que vous pouvez aussi voir ici jusqu'au 4 janvier prochain.

 

On y retrouve des visages familiers de la musique avec laquelle nous avons grandi : Madonna, celle dont certains clips ont été censurés; les Spice grils, No doubt, Shania Twain qui prônaient dans leurs chansons effrontées l'émancipation des femmes et Beyonce, l'ambitieuse. Aux yeux de la féministe Florence Montreynaud, avec ces femmes, le sens même du mot féminisme a changé. "Les féministes ne sont les vieilles lesbiennes avec du poil aux pattes", s'amuse-t-elle. Désormais, c'est plutôt tout le contraire : "ne pas être féministe est complètement ringard". Même analyse du côté de l'écrivaine Leila Slimani qui oppose la féministe des années 70, "pas attirante, pas épilée, pas sexy, mal baisée, en colère", à celle d'aujourd'hui, qui a du pouvoir, de l'ambition et qui, au fond, est un objet marketing en soi.

Florence Montreynaud considère que la chanteuse Beyonce est la star à qui l'on doit "une fière chandelle". Avec son titre sorti en 2011, "who run the world" (qui dirige le monde ? => les femmes !), Beyonce a impacté de façon décisive le combat féministe. Beyonce est "tonitruante". D'un coup, elle a "ringardisé des millions de machos".

 

Pour autant, le sujet divise quand on aborde la question du corps. Car si Beyonce clame la puissance des femmes, elle l'exprime fort dévêtue. Elle hypersexualise son corps et l'interprétation qui en est faite varie : certains penseront qu'elle ne fait que flatter le désir des hommes et que, ce faisant, elle reste dans la position classique de la femme sujet de désir, à la disposition des hommes. Mais d'autres au contraire évoquent le fait qu'en hypersexualisant son corps, Beyonce ou encore la mannequin Emily Ratajkowski (dont il a déjà été question ici : Quel est le problème avec le corps des femmes ?) montrent que leur corps leur appartient, qu'elles en jouissent et que c'est de leur propre désir qu'il est question et non de celui des hommes qui les regardent. Ainsi que le souligne l'écrivaine Abnousse Shalmani, "le cul des femmes est toujours suspect : à partir du moment où elles le montrent ou elles en jouent, c'est forcément pour flatter le désir"

Le corps des femmes devient sujet féministe à part entière, il devient une arme politique. Madonna le suggérait déjà dans les années 80, Beyonce n'a fait au fond qu'explorer plus avant le sujet. Et c'est dans le même élan que certains mouvements féministes se sont développés, au premier rang desquels les Femen. Avant elles, le sein des femmes avait deux vocations : il était nourricier et objet de désir. Les Femen inventent "le sein politique" - dixit Florence Montreynaud -, elles en font l'arme de leurs combats. Finis les corps féminins entravés par les décisions des hommes. Désormais, les femmes s'emparent du pouvoir de leurs corps, elles en maîtrisent les codes et en définissent les règles. Toutes proportions gardées, c'est bien le combat des lycéennes françaises, qui au mois de septembre dernier, manifestaient leur volonté de pouvoir se vêtir comme bon leur semblait.

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