mardi 6 octobre 2020

Attention, spoiler alert : une femme qui couche peut avoir des propos intelligents

Le droit à l'oubli, qu'est-ce que ça veut dire ?
Le droit à l'oubli, c'est pour quiconque en ce monde, la possibilité que l'on ne tienne pas compte de certaines choses vous concernant, dans votre passé, pour se focaliser sur le temps présent, pour s'intéresser à ce que vous faites aujourd'hui.

En consultant le site internet du Monde aujourd'hui, ce concept m'est venu à l'esprit. Ce journal quotidien dont on continue de vanter les mérites dans les écoles de journalisme ose publier un papier odieux. Le sujet, pourtant, mérite qu'on s'y attarde : l'article du Monde rapporte une chronique publiée dans les colonnes du Vanity fair où il est question de la charge émotionnelle résultant de l'épidémie de Covid à travers le monde. Cette épidémie a effrayé la terre entière, nous avons été des millions à nous retrouver confinés pendant des mois et puis un jour, on nous laisse sortir, on nous dit que tout va bien, que l'on peut reprendre une vie normale. L'article de Vanity fair décrit cette difficulté à reprendre une vie normale quand tout a basculé, que peut-être vous avez mis la clé sous la porte de votre entreprise, quand peut-être l'un de vos proches est décédé à cause de cette maladie, quand il faut dire à des enfants terrorisés qu'ils peuvent à nouveau jouer avec leurs copains. Comment reprend-on cette vie normale ? Nul doute : le sujet de cet article est intéressant.

Oui, mais voilà, la personne qui signe cet article dans les colonnes de Vanity Fair s'appelle Monica Lewinsky. Et Arnaud Leparmentier, correspondant du Monde à New-York, ne trouve rien de mieux à faire dans son article du Monde, non pas de faire le focus sur l'intérêt de l'article de Monica Lewinsky, mais de rappeler qui est Monica Lewinsky, "la stagiaire de la Maison Blanche qui défraya la chronique pour avoir eu des relations sexuelles avec le président Bill Clinton à la fin des années 1990". Il n'hésite pas à écrire que l'article de Vanity fair lui apparaissait "émoustillant". On a donc affaire ici à l'article, dans les colonnes du Monde, d'un journaliste mâle de 52 ans qui, plutôt que d'importer en France, via le quotidien national, le sujet intéressant traité par Vanity fair, prend juste du plaisir à se souvenir que Monica Lewinsky fut la maîtresse de Bill Clinton. Au fond, ce n'est pas tant le sujet de l'article de Monica Lewinsky qui intéresse Leparmentier, c'est plutôt la possibilité que l'ancienne maîtresse de Bill Clinton puisse être capable d'écrire un truc intéressant. Et Le Monde publie ce papier sans sourciller !

Photo Vanity fair

On en est donc toujours au même point : dans le monde de 2020, malgré les combats féministes, les actions militantes pour que les femmes ne soient plus réduites à des objets sexuels, on continue d'assister à des manifestations masculinistes dégradantes. Peu importe l'intellect de Monica Lewinsky, peu importent ses compétences, peu importe l'intérêt de sa réflexion sur la dimension psychologique de la crise sanitaire que nous vivons, ce que retient le Monde, ce que retient Arnaud Leparmentier, c'est que la dame qui s'exprime a couché avec Bill Clinton.

Ajoutons à cela que Leparmentier, habituellement, s'intéresse plutôt à la politique et à l'économie, les sujets sanitaires et people ne sont pas vraiment sa spécialité. Ne pouvait-il simplement la fermer sur ce coup-là ? Comment ne pas voir dans son article une consternante envie de se laisser aller à évoquer la vie sexuelle de Monica Lewinsky ? Il l'admet d'ailleurs, il était "émoustillé"... comme Alain Finkielkraut quand il croise des lycéennes au nombril découvert. Affligeant !


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