Malgré le confinement, les injonctions pleuvent...

Cela fait plus d'un mois désormais que nous sommes confinés. Plus d'un mois que nous avons adopté de nouvelles routines, de nouvelles organisations. Une certaine candeur, bien que contrainte, s'est immiscée dans nos quotidiens jusqu'ici survoltés. Malgré cela, la société nous rappelle irrémédiablement à nos devoirs. Quoiqu'enfermés chez nous, elle nous martèle que nous devons être créatifs, que nous devons faire de l'exercice à la maison pour rester en forme, que nous devons profiter du temps qui nous est offert pour cuisiner, pour venir à bout de la pile de livres qui stagne sur notre table de chevet, que nous devons inventer de chouettes activités à partager avec nos enfants, que nous devons coudre des masques aux normes changeantes pour tous les membres de notre famille, pour les voisins, les commerçants. On nous recommande de profiter de l'occasion pour regarder de magnifiques spectacles d'opéra offerts sur internet, on nous demande de faire en sorte que nos enfants fassent tout le travail demandé par les enseignants et dans le même temps, il faudrait les coller devant France 4 qui a bouleversé ses programmes pour leur proposer des émissions pédagogiques dédiées...

Où que l'on regarde, encore et toujours, de nouvelles injonctions semblent s'imposer. Comme s'il n'était pas possible que vous puissiez envisager tout seul de faire ce que VOUS voulez, comme si vous aviez constamment besoin que l'on vous dise comment remplir vos journées, comme s'il était nécessaire, d'ailleurs, que vos journées soient continuellement remplies, du matin jusqu'au soir. A quand l'ennui ? A quand la rêverie ? A quand les heures qui s'égrainent sans que l'on vous dise qu'il importe de les remplir, et comment les remplir ? Ne pourrait-on, enfin, envisager de ficher la paix à chacun d'entre nous ?

A grand renfort d'appels à la bienveillance, tout le monde vous abreuve d'idées plus lumineuses les uns que les autres pour vous occuper. Pourquoi faut-il absolument ajouter des idées aux idées ? Pourquoi aurions-nous tous nécessairement la même vie, remplie avec les mêmes activités ?

Je pensais à tout cela hier, quand je suis tombée sur ce texte écrit par cette femme qui se cache derrière le pseudo de "Stone Marten" : "J'ai vécu ma vie entière conditionnée et annihilée par une société qui m'a fait croire que ma vie, ma seule et unique vie, dont je ne maîtrise pas la fin, doit s'orienter autour d'une course effrénée à la réussite". Puis, parce que le coronavirus et son confinement sont passés par là : "Je n'arrive plus à sortir de chez moi. J'ai peur que ressortir signifie retourner dans cette putain de course à laquelle je n'ai jamais demandé à participer"... Je ne sais pas qui tu es, Stone Marten, mais au fond, je partage ta façon de voir. 
Partez devant, je vais vous ralentir...