jeudi 13 février 2020

"La vie me rejetait parce que j'étais grosse"

Accepter son corps tel qu'il est et surtout, accepter le corps des autres tel qu'il est. Aller vers l'autre qu'il soit longiligne et filiforme ou obèse. Du plus loin qu'il m'en souvienne, je n'ai jamais eu de problème avec ça, avec le corps des autres ou leur apparence physique. Je n'en ai jamais fait le critère de sélection de mes ami(e)s. Il m'est même clairement toujours apparu inimaginable de procéder différemment. Je n'ai jamais compris que l'on puisse s'arrêter au physique des gens, comme si leur morphologie était significative de qui ils étaient. J'ai eu en revanche parmi mes amies des filles qui souffraient de leur surpoids, des filles anorexiques, des filles mal à l'aise avec leur corps, quel qu'il soit. Parce que ces filles n'étaient pas raccord avec ce qu'elles observaient autour d'elles, qu'elles jugeaient leur morphologie non-conforme aux attentes de la société.

J'observe qu'aujourd'hui, la société n'a guère changé. A quelques détails près, tout de même. Il existe des rayons grandes tailles dans les magasins de prêt-à-porter, voire des marques dédiées aux femmes concernées. On annonçait il y a quelques jours que la marque Dolce & Gabbana lançait une ligne de vêtements féminins allant jusqu'à la taille 50. Tout ceci est donc plutôt de bon augure.

Mais le mal est plus profond, et singulièrement s'agissant des femmes. Comme en toutes choses, en toutes circonstances, c'est leur corps qui est pris en considération. Celui des hommes importe peu et l'on n'évoque que de façon rarissime la grossophobie dont ils feraient l'objet. Alors que celui des femmes...
Si elles ne rentrent pas dans les cases des canons de beauté qui s'étalent dans les magazines, à quoi peuvent-elles bien servir ? Sidérant !

L'hebdomadaire Télérama consacre cette semaine son dossier et sa une à ce sujet : la grossophobie. Mais de la première à la dernière ligne, il n'est nullement question du surpoids des hommes, on n'évoque que les femmes. A croire qu'il n'y aurait qu'elles qui auraient des soucis avec leur balance ! La photo de une - magnifique - montre une femme grosse, pas un homme.



Et puis, cette semaine encore, la blogueuse australienne Constance Hall raconte que depuis ses 10 ans, on lui renvoie constamment à la figure ses problèmes de poids (lire son témoignage, en anglais, ici : When I was 10...). Elle écrit : "on se moquait de moi parce que j'étais grosse, les hommes ne me rappelaient pas parce que j'étais grosse, je n'étais pas invitée aux soirées parce que j'étais grosse. La vie me rejetait, parce que j'étais grosse". Elle ajoute : "j'ai traversé ma vie en mettant tout sur le compte de mon poids. Si j'avais été mince, j'aurais eu ce travail, ce petit ami, cette tenue. Tout irait bien, si seulement j'étais mince". La confiance en soi réduite à cela, un corps jugé hors-normes... Constance Hall est parvenue à sortir de ce cercle vicieux et, dit-elle, sans s'en rendre compte, elle a fini par s'évaluer bien plus que par "le numéro sur l'étiquette de ses jeans".

Comme moi, Constance Hall milite pour une éducation différente de nos enfants. Le changement des mentalités n'est possible que sur du long terme, par la génération qui vient. Elle écrit : "les garçons sont élevés de la même manière que les filles, on leur apprend que les corps minces et toniques sont les seuls à être sexy. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'ils se réveillent un jour en réalisant que tout peut être sexy. C'est notre travail de le leur montrer". On n'a jamais autant parlé de bienveillance et prôné l'acceptation de l'autre quel qu'il soit qu'en ce début de 21è siècle, c'est plus que le moment de passer à la pratique.

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