En ces temps de mobilisation des "gilets jaunes", l'action gouvernementale a quelque peu dérivé. Et cela n'épargne pas le secrétariat d'Etat à l'égalité femmes-hommes. On aurait pu imaginer que Marlène Schiappa s'intéresserait plus particulièrement au sort des Français les plus précaires, à savoir les femmes. Mais rien. Aucune déclaration de sa part sur le sujet. Aucune prise de conscience semble-t-il, autour du fait établi qu'en France, le travailleur pauvre est généralement une travailleuse. Les femmes sont moins payées que les hommes et subissent ce que l'on appelle le temps partiel forcé, elles sont nombreuses à occuper des emplois précaires. Que dit Marlène Schiappa de ceci ? Rien. D'ailleurs, on retiendra que depuis des semaines, rien n'est sorti de son ministère. La semaine passée, elle était à Washington avec ses homologues du G7. Et elle a largement communiqué sur les réseaux sociaux. Manifestement, elle était ravie de se trouver là-bas. On est content pour elle. Mais ici, les choses n'avancent pas.
Jusqu'à hier, lundi 21 janvier 2019. Comme beaucoup, j'ai vérifié que l'on n'était pas le 1er avril. Puis que l'info n'émanait pas du Gorafi. Mais non, c'est bien vrai : Marlène Schiappa va, ce vendredi 25 janvier, co-animer l'émission de Cyril Hanouna, Balance ton post, autour d'une spéciale grand débat national. Elle se défend d'être co-animatrice, affirme qu'elle sera là en qualité de représentante du gouvernement, pour présenter les mesures souhaitées par Emmanuel Macron mais pourtant, le communiqué de presse de la chaîne C8 dit le contraire. Bon, on ne va pas jouer sur les mots. Admettons qu'elle n'enfile pas sa cape d'animatrice. Mais quand même, Cyril Hanouna quoi !
Interrogée ce matin sur Europe 1, la secrétaire d'Etat s'emporte un peu : "dès qu'on fait quelque chose qui sort des codes, tout le monde s'indigne (...). Cyril Hanouna, ça fait des semaines qu'il invite des gilets jaunes (...). Ca nous permet de parler du débat à 700.000 personnes qui regardent Hanouna.
Twitter s'enflamme et s'indigne assez facilement. Je ne vais pas animer
le show, je viens avec mes paperboards, mes feutres, on va faire un
atelier constructif". Pour elle, il n'y a pas péril en la demeure, elle incarne juste une nouvelle façon de faire de la politique.
Sauf que, ce faisant, elle légitime les "écarts" réguliers de Hanouna. On parle quand même d'un homme qui enchaîne les provocations sexistes et homophobes, dont les émissions ont fait l'objet de plusieurs milliers de signalements au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui a osé avoir comme thème d'une émission, au XXIè siècle, "pour ou contre l'IVG"... Mais voilà, le gars fait plus de 700.000 téléspectateurs avec son Balance ton post, alors c'est pas grave si c'est un être abject. Marlène Schiappa ambitionne de ramener le plus de monde possible vers le débat public et la politique. Mais ce faisant, elle s'asseoit littéralement sur son propre ministère. A quoi bon afficher un volontarisme féministe, en faire son grand cheval de bataille si c'est pour copieusement oublier tout cela sur l'autel de l'audimat ? Comment son message peut-il être crédible ? Comment peut-on la penser sincère ?
Envoyer un représentant du gouvernement ou du parti politique au pouvoir sur le plateau de Hanouna, pourquoi pas, après tout ? Mais pourquoi a-t-il fallu que ce soit, précisément, Marlène Schiappa ? Celle qui, précisément ne peut légitimement pas cautionner un tel animateur télé ? Les volontaires, cela dit, n'étaient peut-être pas nombreux. Ainsi, la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, avouait-elle ce matin sur France 2 qu'elle-même n'y serait pas allée...
Si la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes est capable de balayer d'un revers de la main ses convictions profondes, fondement de sa présence au sein du gouvernement, pour aller prêcher la bonne parole sur un plateau télé viscéralement sexiste, si elle néglige ainsi son sujet de prédilection, comment envisager la suite de son action ?
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