lundi 21 février 2022

Ils sont morts parce que cet homme s'est arrogé le droit de le décider

Près de quarante ans après, ce fait divers continue de poser question et de donner lieu à de nombreuses interprétations. Pourquoi, en janvier 1985, Jean-Victor Fischer, âgé de 81 ans, a-t-il mis fin aux jours de son épouse, Hélène Roger-Viollet, 83 ans ? La mythologie entourant cette fin de vie prétend que ce couple, sans enfant, avait fait le choix de mourir ensemble, avant de sombrer dans la sénilité. Le 29 janvier 1985, le Parisien titre : "Le dernier voyage - Propriétaire de l'agence Roger-Viollet, le vieux couple de globe-trotters n'a pu supporter sa déchéance".

Depuis les années 1930, ils avaient tout fait ensemble. Ils s'étaient rencontrés pendant leurs études de journalisme, ils avaient couvert la guerre d'Espagne dont ils avaient rapporté des clichés qui ont été diffusés dans le monde entier. Ils ont monté leur agence photographique - l'agence Roger-Viollet -, amassé des millions de clichés, ils ont fait plusieurs fois le tour du monde, oeuvrant à compléter leur gigantesque collection de photos, sans cesse.

Les fins connaisseurs de l'épopée de Hélène Roger-Viollet et Jean-Victor Fischer n'ont pas de mal à le dire : dans ce couple, c'est bien Hélène la plus talentueuse, la plus aventurière, la plus ambitieuse. Elle n'a pas froid aux yeux, elle est visionnaire, elle est féministe, elle avance. Passionnée, elle poursuit son oeuvre, encore et encore. Jean-Victor la suit, il est de toutes ses aventures. Mais c'est elle qui mène la danse.

Hélène Roger-Viollet, 1953 - (c) Roger-Viollet
 

A propos de la mort d'Hélène, l'AFP relatera ainsi les faits : "La victime a été assommée à coup de barre de fer avant d’être achevée de 15 coups de rasoir et le médecin légiste a constaté sur ses mains des traces de défense prouvant qu’elle a essayé de se protéger des deux mains contre les coups de rasoir. D’autre part, il s’est écoulé à peu près 24 heures entre le meurtre et la tentative de suicide de Jean-Victor Fischer". Hélène est morte à son domicile, et Jean-Victor a été retrouvé vivant, le lendemain, dans les locaux de leur agence, rue de Seine, où il s'était taillé les veines. 

Une fois en prison, il parviendra à mettre fin à ses jours, profitant de la promenade de son codétenu pour se pendre dans sa cellule. Entre-temps, Jean-Victor Fischer avait fini par admettre qu'au fil des années, il s'était mis à haïr son épouse à qui tout réussissait. Elle avait le talent, la notoriété, l'argent. Il la haïssait, il était jaloux, il l'a assassinée. Evidemment, en 1985, on n'emploie pas le terme de féminicide, mas c'est bien de cela qu'il s'agit. La fable romantique du couple ayant choisi de mourir ensemble, finissant leur vie comme ils l'avaient vécue - toujours tous les deux - n'aura pas duré. Ils ne sont pas morts parce qu'ils craignaient la sénilité et refusaient la déchéance liée à l'âge, ils sont morts parce que cet homme s'est arrogé le droit de le décider. La violence de l'assassinat de Hélène telle que décrite par l'AFP ne laisse pas de place au doute. Il n'y a pas de trace de romantisme ou d'amour là-dedans. "Je crois qu'il a cédé à un accès de folie", me dit aujourd'hui une employée de cette agence étonnante et unique en son genre. Elle ajoute : "Hélène avait encore des projets, des idées". Une chose est sûre : Hélène Roger-Viollet était une femme incroyable et admirable. Quel homme digne de ce nom pouvait la tuer ?

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