Retour sur l'histoire Gérald Darmanin face à Apolline de Malherbe la semaine passée. Le ministre de l'Intérieur, invité sur BFM TV par cette journaliste, se montre agressif vis-à-vis d'elle, gêné par une question qu'elle lui pose. Se posant en "mâle dominant", il l'accuse de propos populistes et lâche cette phrase qu'il répète plusieurs fois : "calmez-vous, ça va bien se passer". Alors qu'il est dérangé par la question qu'elle pose, il lui retourne la responsabilité du dérapage de leur échange, il lui fait endosser le costume de la personne qui aurait perdu ses nerfs. Il cherche à dominer son interlocutrice, il veut prendre le dessus sur elle et sous-entend qu'elle ne sait pas se maîtriser. Ce, alors qu'elle parvient justement à rester calme.
Cela renvoie à cette idée que les femmes seraient incapables de se contrôler, ainsi que l'analysait l'autrice Titiou Lecoq hier sur France inter. Selon elle, au travers de l'histoire, les femmes auraient été vues comme incapables de contrôler ce qui sort de leur corps - la menstruation - et donc, "on ne peut pas attendre d'elles un raisonnement intellectuel et sain". Les femmes seraient incapables de se maîtriser. Intimer l'ordre à une femme de se calmer, lui balancer que "ça va bien se passer", c'est la renvoyer de fait à cette idée-là : elle est une femme, elle ne sait pas se maîtriser.
Quelques jours plus tard, le ministre de l'Intérieur est invité sur LCI où Ruth Elkrief revient sur cette histoire. Elle lui demande de respecter les questions et le travail des journalistes. Il considère pour sa part qu'il n'a été ni sexiste ni misogyne face à Apolline de Malherbe et revendique le droit de "pouvoir parler un langage populaire". Il ajoute que "si la vie politique et la vie médiatique, c'est un langage aseptisé, technocratique et j'ose le mot, parisien, alors je ne me reconnais évidemment pas dedans". On aurait envie de lui répondre que s'il ne s'y reconnaît pas, libre à lui d'aller faire autre chose, on ne le retient pas... Mais surtout, quand il considère qu'une phrase telle que "ça va bien se passer" n'est que la manifestation d'un langage qui serait populaire, cela pose question. D'abord parce que ces mots ne sont généralement prononcés que par des personnes qui cherchent à en imposer. Ou plus calmement par des parents qui souhaitent rassurer leur enfant. Dans la vie de tous les jours, entre adultes, on n'utilise pas cette rhétorique-là. Et d'autant plus quand on est un homme politique, un membre de gouvernement, et que l'on s'exprime sur une chaîne de télévision à grande écoute. On peut ne pas utiliser un langage aseptisé mais demeurer respectueux de la personne avec laquelle on échange.
Ensuite, il faut écouter cet épisode du podcast Mansplaining sur Slate.fr pour avoir une autre lecture de cette histoire. En effet, pour le journaliste Thomas Messias, le "ça va bien se passer" est "devenu un élément essentiel de la panoplie des masculinistes plus ou moins aguerris". Prononcée et répétée par Gérald Darmanin, elle peut être considérée comme un clin d'oeil aux masculinistes, une volonté de leur indiquer que leur vocabulaire entre dans le langage courant. En ce sens, l'utilisation de ces mots par le ministre de l'Intérieur serait porteuse de danger, source d'inquiétude.
Enfin, il est aussi intéressant d'écouter l'analyse du politologue Clément Viktorovitch ici : Gérald Darmanin, l'implicite sexiste.
Une question demeure : Gérald Darmanin se serait-il exprimé de la sorte si le journaliste face à lui avait été un homme ? Edouard Philippe assure que oui. On me permettra d'en douter.
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