Mon grand-père avait coutume de dire, dans un sourire malicieux, qu'il aimait s'asseoir sur un banc, le lundi matin, pour regarder les gens partir travailler. Il savourait ainsi sa retraite, réalisant que sa vie de labeur était terminée, qu'enfin il pouvait se reposer. C'est une anecdote qui m'a marquée. Elle dit tant de notre rapport au travail, de cette obligation d'être productif en société. Et puis elle raconte aussi quelque chose du temps qui passe, des années qui nous font des rides au coin des yeux, de la fatigue dans les muscles. Les années passant, "nos corps nous disent merde", pour reprendre cette expression d'une amie. Les réveils se font difficiles, les lendemains de fête piquent de plus en plus. Et c'est ainsi que l'on comprend que l'on n'a plus vingt ans.
A cela s'ajoute le fait que notre monde n'est plus non plus celui de nos vingt ans. Il est devenu bien plus violent, bien plus dur, bien plus inquiétant, ce qui ajoute à notre gueule de bois de ce lundi matin précisément. Rien que ce week-end, il y eut la commémoration des attentats de Paris, le constat d'échec de la Cop 26, le sujet des migrants à la frontière biélorusse, etc. Quand nous avions 20 ans, on ne pouvait imaginer que le monde évoluerait ainsi. A l'époque, notre seule crainte était le chômage, nous n'aurions pas pu envisager un tel avenir obscurci.
Est-ce que dans vingt ans, je pourrai m'asseoir à mon tour sur un banc pour regarder malicieusement les plus jeunes partir travailler ? Rien n'est moins sûr...
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