vendredi 12 novembre 2021

Injonctions de la société : sortir de ta zone de confort tu devras

 S'il est une expression qui me hérisse le poil depuis quelques années, c'est bien celle-ci : "sortir de sa zone de confort". Dans la vie, il faudrait constamment chercher à sortir de sa zone de confort, aller plus loin, chercher à expérimenter des situations inédites, aller vers l'inconnu. Mais pourquoi cette injonction ? Pourquoi faudrait-il se mettre en danger ? Car sortir de sa zone de confort, c'est bien cela que cela sous-entend : se mettre en danger, ne plus être à l'aise, ne plus être serein. 

Dans le même temps, il importerait justement d'être zen, tranquille, bien dans ses baskets. Le discours ambiant me frappe par sa schizophrénie, par cette manie de tout et son contraire, par cette façon de nous embarquer de force dans des situations extrêmes : aller hors de sa zone de confort tout en restant cool. C'est l'alliance de la carpe et du lapin.

Et au-delà de cette ambiguité, où serait le problème de ne pas souhaiter sortir de sa zone de confort ? En quoi ce serait dérangeant ? Pourquoi marteler sans cesse ce message : "sortez de votre zone de confort" ?  Pourquoi en faire une injonction ? 

Si l'on utilise cette expression simplement dans le sens de découvrir de nouvelles choses, d'apprendre, pourquoi utiliser des mots tels que ceux-là, à la connotation si frappante ? En s'exprimant ainsi, on semble  considérer au fond qu'apprendre de nouvelles choses serait une mise en danger. Dérangeant.

Sortir de sa zone de confort, ce serait aussi se fixer des défis, se challenger. Pour avancer, nous aurions besoin d'utiliser ce vocabulaire de la compétition. Comme si, dans la vie, nous avions besoin de cela pour avancer. Chaque nouveau projet est décrit comme étant une sortie de la zone de confort. Alors qu'objectivement, on peut très bien mener de nouveaux projets tout en restant dans une situation confortable. Pourquoi tout présenter sous ce prisme de la mise en danger, du défi ?

J'y vois une allégorie du monde compétiteur dans lequel nous évoluons, une démonstration de ce que nous sommes collectivement devenus, à savoir des êtres embrigadés dans une existence toute faite de croissance, de compétition, d'esprit guerrier et combattif.

Cherchant un visuel pour illustrer ce billet, je tombe sur un schéma utilisé largement et qui me conforte dans mon idée. Sortir de sa zone de confort, c'est cela :

Parfois, à la place du mot grandeur, on peut lire celui de bonheur. Parfois encore, celui de croissance. Grandeur, bonheur, croissance, ces notions utilisées l'une pour l'autre, mises sur le même plan... Il n'y a que moi que ça dérange ?

J'ajoute que dans ce cercle vert de la "zone de grandeur", on peut lire : "définir de nouveaux objectifs". Donc, quand on en est là de sa vie, retombe-t-on dans une nouvelle zone de confort ? Oui, puisque le cercle jaune, déjà, à l'étape précédente, nous dit que nous avons agrandi notre zone de confort. Ce serait donc un cycle sans fin ? De ma fenêtre, cette conception de la vie et de la façon dont nous devrions la mener est ubuesque.

En ce qui me concerne, j'ai le sentiment que je me trouve perpétuellement dans une zone d'apprentissage, depuis toujours et qu'au fond, c'est plutôt là que se trouve le sel de la vie.



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