jeudi 28 janvier 2021

De l'exemplarité des rôles-modèles

Dans ces colonnes, depuis des années, il est régulièrement question des rôles-modèles nécessaires de mon point de vue pour guider l'ensemble de l'humanité vers une version meilleure d'elle-même. Progresser à la manière de ces rôles-modèles, suivre leurs exemples, se dire que tout est possible puisque ces personnes y sont parvenues. Si Amanda Gorman, une jeune femme américaine, noire, peut lire ses poèmes devant la terre entière, c'est que c'est possible. Tous les rêves sont admis. Mais que se passera-t-il si un jour Amanda Gorman dérape, si ses mots dépassent sa pensée, ou si l'on découvre un fait la concernant qui serait dévastateur ou en totale contradiction avec ce que l'on pensait d'elle ? Les rôles-modèles ont-ils droit à l'erreur ou doivent-ils être infaillibles ? Une responsabilité d'exemplarité leur incombe-t-elle ?

C'est la question que je me suis posée en découvrant au fil du temps qui était vraiment Simone de Beauvoir. Cette figure emblématique dont on dit qu'elle a éveillé la conscience féministe de tant de monde n'était pas dénuée de contradictions. Dans Le féminisme intellectuel de Simone de Beauvoir, je rapportais en 2018 l'analyse de la philosophe Geneviève Fraisse selon laquelle toute féministe qu'elle soit, au fond, Simone de Beauvoir conservait une vision patriarcale de la société. Elle n'envisageait pas le monde autrement. Mais ça ne s'arrête pas là. La vie privée et intime de Simone de Beauvoir interroge. 

Simone de Beauvoir
 

En 2021, peut-on encore porter aux nues cette femme d'exception quand on sait qu'en janvier 1977, elle cosignait dans le Monde une tribune, aux côté de Jean-Paul Sartre bien sûr, mais aussi de Gabriel Matzneff, entre autres, défendant trois hommes incarcérés pour avoir abusé sexuellement des mineurs. "Aujourd'hui, ils risquent d'être condamnés à une grave peine de réclusion criminelle soit pour avoir eu des relations sexuelles avec ces mineurs, garçons et filles, soit pour avoir favorisé et photographié leurs jeux sexuels (...). Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit". Plus tard la même année, les mêmes, mais aussi Françoise Dolto et tant d'autres, signent une lettre ouverte demandant la décriminalisation des rapports sexuels entre les adultes et les enfants de moins de 15 ans. Il écrivent : "Les signataires de la présente lettre considèrent que l'entière liberté des partenaires d'une relation sexuelle est la condition nécessaire et suffisante de la licéité de cette relation". (pour en savoir plus, voir ici).

On sait que Simone de Beauvoir entretenait des relations intimes avec certaines de ses élèves mineures, qu'elle "présentait" aussi à Sartre. Certes, il s'agissait de lycéennes, a priori pas d'enfants de moins de quinze ans. Mais tout de même, Simone de Beauvoir fait partie de ces intellectuels qui ont cherché à défendre la pédophilie. Non seulement elle ne trouvait rien à y redire mais elle signait des textes engagés sur le sujet. Partant, comment la considérer comme un rôle-modèle ? Si sa pensée et son travail ont, à plus d'un titre, nourri le débat féministe, permis des prises de conscience autour de la place des femmes dans la société, sa défense non-dissimulée des pratiques pédophiles porte une ombre bien noire au tableau.

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